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Deux ans après Fukushima, le pouvoir japonais prêt à renouer avec le nucléaire

Le gouvernement de Shinzo Abe est favorable à un redémarrage de certains réacteurs à l’arrêt depuis la catastrophe de la centrale de Fukushima, en mars 2011. Un retournement de situation qui se fait au détriment des énergies renouvelables ?

Le Japon est-il condamné à retomber dans les bras de l’atome ? Le gouvernement conservateur nippon arrivé au pouvoir il y a trois mois n'en fait plus mystère alors que l’archipel commémore, ce lundi, les deux ans de la catastrophe de Fukushima.

Devenu Premier ministre après la victoire du Parti libéral-démocrate aux législatives de décembre dernier, Shinzo Abe, réputé proche du lobby du nucléaire, compte, en effet, redémarrer les réacteurs (48 sur les 50 du pays) jugés sûrs par l'Autorité de régulation japonaise du nucléaire. Il envisage même de construire de nouvelles centrales pour remplacer celles dont la fermeture est recommandée.

Pourtant, après la tragédie du 11 mars 2011, le pays semblait prêt à une remise à plat de sa politique énergétique. L’ambition affichée par le Premier ministre de centre-gauche Yoshihiko Noda était alors de sortir du nucléaire d’ici à 2040.

Pour ce faire, le discours officiel mettait l’accent sur le développement des énergies renouvelables : l'avenir énergétique du pays était “vert” ou n'était pas... La feuille de route, quant à elle, semblait claire : dans un premier temps, les énergies renouvelables devaient fournir 20 % de l’électricité du Japon en 2020. Une montée en puissance ambitieuse puisqu’en 2011, elles ne représentaient que 9 %.

Des avancées "vertes"

Le programme était d’autant plus vaste que tout ou presque restait à inventer. “De par le poids du secteur nucléaire, les politiques n’ont jamais fait preuve de beaucoup de volonté pour développer ces énergies alternatives”, explique à FRANCE 24 Yuki Takahata, journaliste japonaise indépendante et membre de Yosomono-Net, un réseau international de ressortissants japonais hostiles au redémarrage du nucléaire.

Quelques avancées ont, certes, bien eu lieu. “Le gouvernement de Yoshihiko Noda avait donné son aval à des investissements très conséquents dans le domaine des énergies renouvelables”, souligne Charlotte Mijeon, porte-parole de l’association Sortir du nucléaire, contactée par FRANCE 24. Le Japon s’est en effet engagé, à l’été 2012, à dépenser 430 milliards de dollars (330 milliards d’euros) sur 20 ans dans les énergies alternatives.

De fait, une éolienne off-shore fournit effectivement, depuis le 8 mars, de l’électricité à 1 200 foyers dans la préfecture de Chiba, à l’est de Tokyo. Par ailleurs, à quelques kilomètres du site de la centrale de Fukushima, un consortium d’entreprises japonaises construit actuellement la plus grande ferme d’éoliennes au monde. Elle doit être opérationnelle en 2020 et fournir de l’électricité à plus de 100 000 foyers.

Hausse des importations

Mais, pour le reste, le Premier ministre continue de se faire le défenseur du retour à l'atome. “Sa volonté affichée de relancer les réacteurs nucléaires souligne que les priorités évoluent”, regrette ainsi, dans le quotidien australien The Age, David Suzuki, un environnementaliste canadien qui a rejoint la Fondation japonaise pour les énergies renouvelables.

Pour justifier cette politique, le pouvoir en place évoque des impératifs économiques. Les 50 réacteurs japonais assuraient, avant la catastrophe de Fukushima, 28 % de la fourniture d’électricité nationale. Depuis, en compensation, le pays a dû sensiblement augmenter ses importations de gaz et de pétrole afin de fournir les centrales thermiques qui ont permis d’éviter, en partie, des coupures majeures d’électricité dans le pays. Cette hausse de la facture énergétique a contribué, en 2011, au premier déficit commercial enregistré par le Japon depuis une trentaine d’années - déficit qui a continué à se creuser en 2012.

Mais, pour les opposants au nucléaire, cet argument est fallacieux. “Ce ne sont pas les importations d’électricité qui coûte cher : elles ne représentent que 10 % du total. Ce sont celles de pétrole et de gaz”, rappelle Bernard Laponche, physicien nucléaire, membre de l’association Global Chance et coauteur de “En finir avec le nucléaire”. Tant que le Japon ne réduira pas sa dépendance à ces énergies fossiles, assure-t-il, il sera toujours facile aux pro-nucléaires de vanter leur source d’énergie relativement bon marché. Quitte à promettre, comme l’a fait Shinzo Abe, que la sécurité sur les sites seront renforcées.