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Mokhtar Belmokhtar, contrebandier devenu professionnel du rapt

L'Algérien Mokhtar Belmokhtar, ancien leader d'Aqmi et instigateur de la prise d’otages d'In Amenas en janvier, aurait été tué par l’armée tchadienne. Retour sur le parcours d’un salafiste précoce, vétéran de l'Afghanistan.

On le surnomme "le borgne" ou encore "Mister Malboro". Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Aboul Abbas, auteur de la sanglante prise d’otages, le 16 janvier, sur le site

Le Drian appelle à la "prudence" au sujet de la mort d'Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar

Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, a appelé dimanche à la "prudence" après les annonces par N'Djamena de la mort des chefs jihadistes Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar.

Dans une interview à la Dépêche du Midi à paraître lundi, rendue publique par son ministère, M. Le Drian, interrogé sur ces proclamations tchadiennes, répond: "Une rumeur répétée à l'envi ne fait pas une information".

"Le ministre de la Défense ne doit pas parler au conditionnel", insiste le responsable. "J'en appelle à la prudence et à l'esprit de responsabilité à l'égard d'indications que nous ne sommes pas en mesure de confirmer matériellement à ce stade".

"La priorité, c'est de saper les bases des terroristes, leur organisation, leurs moyens", dit encore le ministre. (AFP)

gazier d’In Amenas en Algérie, aurait été tué lors d'un assaut donné dans le massif de l'Adrar des Ifoghas, dans le nord du Mali, a annoncé, samedi 2 mars, l’armée tchadienne. Cette information, non confirmée par Paris et Alger, intervient deux jours après l’annonce, sans confirmation elle aussi, de la mort d'Abou Zeid, considérée comme la tête pensante d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Figure redoutée de la nébuleuse islamiste, cet Algérien de 40 ans, marié à une notable touareg du Mali, sévit depuis une quinzaine d’années au Sahel. En 1991, à l’âge de 19 ans, Mokhtar Belmokhtar part en Afghanistan pour suivre une formation de moudjahidin auprès d’Al-Qaïda. C’est à cette époque qu’il perd un œil après avoir reçu un éclat d’obus, ce qui lui vaut l’un de ses innombrables surnoms : "Laouer" ("le borgne").

À son retour en Algérie en 1993, il prend part à la guerre civile aux côtés des islamistes en rejoignant le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui deviendra en 2007 Al-Qaïda au Maghreb islamique. Responsable de plusieurs assassinats de douaniers et de gardes-frontières, il est condamné à mort par la justice algérienne en 2008 pour meurtre puis en 2012 pour actes de terrorisme. Demeurant l’un des rares vétérans de l’Afghanistan à ne pas avoir été tué pendant la guerre civile algérienne, il gagne le respect d’Al-Qaïda qui le place, par la suite, à la tête de "l’émirat du Sahara", zone d’opération d’Aqmi dans le sud de l’Afrique du Nord.

Lucrative contrebande

Trafic de cigarettes, de drogues, d’armes, de migrants… Mokhtar Belmokhtar, surnommé localement "Mister Malboro", s’illustre également dans la contrebande

depuis 1995. Une activité particulièrement lucrative qui lui permet de rester indépendant tout en étant utile à Al-Qaïda qu’il fournit en véhicules et en armement. Cette manne financière, il l'utilise également pour convaincre les Touareg, établis dans des zones pauvres, de se rallier à sa cause, bien qu’ils ne soient pas forcément salafistes.

Associé au GSPC d'Abderazak el-Para, il participe en 2003 à la prise d'otages de 17 motards allemands et autrichiens dans le sud du Sahara. D’après la télévision allemande, les touristes ont été libérés à l'époque contre une rançon de 5 millions d'euros. Mokhtar Belmokhtar décide alors de s’installer au Mali, passant de la contrebande au très juteux business des rapts. On lui attribue notamment la prise d’otages de quatre Français en Mauritanie en 2011, ainsi que celui des deux jeunes Français Antoine de Léocour et Vincent Delory. Enlevés au Niger en janvier 2011, ils furent exécutés lors d’une tentative de libération menée par les forces spéciales de l’armée française.

Électron libre

En décembre 2012, Mokhtar Belmokhtar annonce sa rupture avec Aqmi dans une vidéo. De rares images. Il crée alors sa propre brigade, Al-Mouthalimin ("Ceux qui signent par le sang"), et opère principalement dans le nord du Mali et en Mauritanie. Ayant gagné en autonomie vis-à-vis du commandement d’Aqmi, il fait désormais cavalier seul pour la plupart de ses opérations. Son coup de maître qui finit d’achever sa réputation et en fait un spécialiste de l’enlèvement d’Occidentaux : la prise d'otages de 41 ressortissants étrangers sur le site gazier d’In Amenas, dans le sud-est de l’Algérie. Au total, 38 personnes furent tuées lors de l’assaut donné par l’armée algérienne.

Son excellente connaissance du terrain additionnée à son solide réseau de protection parmi la population avaient permis à ce nomade insaisissable de poursuivre, jusqu’à présent, son activité impunément. Si elle venait à être confirmée, sa mort amputerait les mouvements islamistes radicaux, au moins temporairement, d’un de leurs meilleurs atouts.