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Les Femen sont-elles allées trop loin à Notre-Dame-de-Paris ?

En s’exhibant seins nus sous la nef fréquentée de Notre-Dame-de-Paris, les militantes Femen ont franchi un nouveau cap dans leur contestation. Provocation inutile qui dessert l’action féministe ou opération de com réussie ? Réactions et sondage.

Elles ont encore frappé. Mardi 12 février, plusieurs membres des désormais fameuses Femen, mouvement de contestation féministe, ont dansé seins nus sous la nef fréquentée de Notre-Dame-de-Paris. Une opération médiatique destinée, selon leurs termes, à "fêter" le renoncement de Benoît XVI à sa charge pontificale ainsi que le vote en première lecture du "mariage pour tous" à l’Assemblée nationale.

Installé à Paris depuis septembre 2012, le groupe se revendiquant d’un "nouveau féminisme" n’en est pas à sa première provocation "seins nus", dont l’une des plus remarquées a eu lieu en début d'année sur la place Saint-Pierre à Rome. Mais en s’exhibant dans un lieu sacré, mondialement connu, les activistes ont franchi un nouveau cap, susceptible de déplaire à l’opinion publique française jusqu’alors plutôt amusée par leurs faits d’armes.

Les Femen sont-elles allées trop loin ? Revue des réactions, indignées ou non, recueillies au sein des sphères religieuse, politique et associative.

Le recteur et archiprêtre de Notre-Dame-de-Paris, Mgr Patrick Jacquin, a indiqué que deux plaintes avaient été déposées au commissariat du IVe arrondissement pour "profanation d'un espace culturel" et pour "coups et blessures". Selon lui, un des agents du service de sécurité chargés d’expulser les Femen manu militari a une épaule démise.

"Un geste stupide et immature"

Au sein de l’hebdomadaire "Témoignage Chrétien" qui s’est publiquement engagé en faveur du mariage homosexuel, on dénonce une opération "pathétique" loin de servir la cause. "Tout cela est insignifiant. C’est comme si vous alliez à un repas de mariage en slip de bain, ironise Jérôme Anciberro, rédacteur en chef de la publication. Cette action répond à une logique médiatique de niveau zéro".

Plus sévère, le chroniqueur politique Bruno Roger-Petit juge le geste "stupide et immature". "En exhibant leur pauvre et pathétique vulgarité, leur triste et agressive nudité, leur affligeante et terrifiante indignité, leur terrible et abyssale inculture au sein de Notre-Dame-de-Paris, elles n'ont pas seulement injurié le pape […] elles s'en sont pris, aussi et surtout, à la spiritualité française, aux forces de l'esprit pourrait-on dire, qui habitent ces vieilles pierres taillées et sculptées par des inconnus, il y a dix siècles, pour la beauté du geste, écrit-il sur le site Le Plus du Nouvel Observateur. Et d’ajouter : "La France est un pays où l'on peut bouffer du curé à volonté mais où l'on n'aime pas que l'on touche à ce qui incarne les forces de l'esprit. C'est l'une de ces contradictions qui font encore le charme, encore, de ce pays, et visiblement les Femen ne l'ont pas compris. L'ont-elles seulement appris ?"

Même réaction chez le chroniqueur des médias David Abiker. "Les Femen sont au féminisme ce que les crédits subprimes sont au prêt bancaire, raille-t-il sur son blog. C’est un produit médiatique à fort effet de levier dans les rédactions des chaînes de télévision françaises qui ont pu fabriquer, grâce à elles et jusqu’à aujourd’hui, des images sans discours, des images sans véritable fond, si ce n’est celui qu’elles touchent dans la pratique répétée de l’enfonçage de porte ouverte : DSK, Davos, les intégristes de Civitas et Benoît XVI."

"Au Crazy Horse Saloon, oui, à Notre-Dame, non !"

Chez les politiques, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, s’est dit consterné par cette "provocation inutile" et a tenu à témoigner "de son soutien aux catholiques de France qui ont pu être offensés par ce geste grossier", rapporte l'AFP. Avant de développer : "Si la laïcité permet à chacun de croire ou de ne pas croire en toute liberté, la république entend, dans le même temps, garantir à tous les croyants de pouvoir pratiquer leur religion dans la dignité et le respect mutuel".

Montrer ses seins "au Crazy Horse Saloon oui, à Notre-Dame non !", s'est quant à lui amusé le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, sur Canal+.

De son côté, le maire de Paris, Bertrand Delanoë (PS), a condamné cette action et fait part de sa "tristesse". "Je réprouve un acte qui caricature le beau combat pour l'égalité femmes-hommes et choque inutilement de nombreux croyants", s'est offusqué l'édile cité par l'AFP.

Pour leur part, les autres associations féministes s’interdisent de juger l’action de leurs homologues. "Il s’agit de la forme d’activisme qu’elles ont choisie pour alerter l’opinion française. Elles sont femmes, adultes, et ont donc conscience de ce qu’elles font, indique Sabine Salmon, présidente de Femmes solidaires. La manière dont elle s’exprime rappelle l’époque d’Act Up qui déversait de la peinture rouge dans les lieux publics afin d’éveiller l’attention sur la lutte contre le sida."