logo

"Rasta Piquet" slalome pour que le monde n'oublie pas Haïti

Pour la deuxième fois de sa carrière, Jean-Pierre Roy participe aux Mondiaux de ski qui se déroulent à Schladming en Autriche. À 49 ans, cet Haïtien ne cherche pas à gagner l'or, mais à faire parler de son pays ravagé en 2010 par un séisme.

Arrivé depuis quelques jours à Schladming en Autriche où sont organisés les Mondiaux de ski, Jean-Pierre Roy est heureux comme un enfant. Entre deux épreuves, il s’amuse à discuter avec les plus grandes stars des pistes, allant jusqu'à échanger quelques mots avec la nouvelle championne du Super-G, la Slovène Tina Maze. 

"Les champions sont contents de me parler. Tout le monde connaît J.P. l’Haïtien ! À Tignes, j’ai croisé dernièrement Jean-Baptiste Grange (NDLR : skieur français, champion du monde de slalom en 2011). Il m’a dit qu’il allait aux Mondiaux défendre son titre. Je lui ai répondu que je devais défendre ma 78e place !", plaisante-il, interrogé par FRANCE 24.

Arriver en bas

Il faut dire que ce skieur qui représente Haïti ne fait pas vraiment concurrence aux vedettes du circuit. Pour sa première participation aux Mondiaux en 2011, il a terminé bon dernier. À 49 ans, Jean-Pierre n’est pas là pour décrocher l’or : "Mon objectif, c’est de ne pas tomber et d’arriver en bas pour pouvoir faire parler d’Haïti !". Ce chef d’entreprise parisien, né à Port-au-Prince s’est lancé dans ce défi fou après le tremblement de terre qui a ravagé son pays d’origine en janvier 2010.

"Quand j’y suis allé dix mois après le séisme, j’ai été très choqué par ce que j’ai vu. J’ai eu l’impression qu’il venait d’avoir lieu le matin même. Il y avait toujours des murs retenus par des bouts de ferrailles et des gens qui vivaient sous les tentes. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose", explique Jean-Pierre, qui avait fui le pays en 1965 avec ses parents pour échapper au régime de François Duvalier.

Skieur amateur, il décide alors d’utiliser sa passion pour continuer à médiatiser son île natale et pour récolter des fonds pour son projet L’Or Blanc pour Haïti. "J’avais vu les championnats du monde de ski en 2009 à Val d’Isère. Lors des courses féminines, il y avait des Chinoises et des Libanaises qui galéraient sur les pistes. Je me suis dit en rigolant que je pouvais peut-être faire pareil pour Haïti et un de mes potes m’a finalement poussé !".

Une fédération de ski haïtienne

Sans aucun complexe, il contacte la Fédération internationale de ski (FIS) et créé la fédération nationale haïtienne. "Rasta Piquet", comme il se surnomme en référence aux "Rasta Rockets" de l'équipe jamaïcaine de bobsleigh, s’entraîne consciencieusement et réussit à valider sa qualification pour les mondiaux 2011 et 2013. "Il faut juste faire des courses FIS et être classé au niveau des points. La seule contrainte est le nombre de représentants par pays qui est limité à quatre par discipline", précise Jean-Pierre.

Seul participant haïtien il y a deux ans, il est désormais fier de pouvoir annoncer que l’effectif a doublé. Son compatriote Benoît Etoc, 33 ans, adopté à l’âge de deux ans par une famille française, a aussi obtenu son ticket pour les Mondiaux. Ils s’aligneront ensemble jeudi pour les qualifications du slalom géant et du slalom. "Il aura plus de pression que moi car c’est sa première fois. En tout cas, si on arrive tous les deux en bas, il y aura forcément un Haïtien qui ne sera pas dernier !", annonce-t-il avec humour.

Surmotivé, Jean-Pierre voit plus loin que les championnats du monde. Il vise désormais les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014 : "Ce sera plus difficile pour moi, mais Benoît a une petite chance". La relève est en tout cas déjà assurée. Lors de la 2e édition des championnats haïtiens de ski, organisés dans les Alpes (faute de neige en Haïti), il a repéré la future star haïtienne: "Il s’appelle Toni. Il a sept ans et a été adopté par une famille de moniteurs de ski aux Arcs ! Il a déjà un bon niveau".

Conscient qu’il devra bientôt raccrocher les skis, Jean-Pierre va continuer à s’investir en dehors des pistes : "Je veux juste qu’on n’oublie pas Haïti. On a toujours besoin d’aide et ce pays a un énorme potentiel. Par rapport à tout ce qui s’est passé, cela permet aussi aux Haïtiens d’avoir un peu de rêve".