
Depuis mardi, le président iranien est en déplacement au Caire où il assiste, mercredi, à un sommet des pays islamiques. Mais la venue du président chiite dans l'Égypte sunnite des Frères musulmans ne semble pas faire l’unanimité.
C’est une visite historique que Mahmoud Ahmadinejad, premier président iranien à se rendre en Égypte depuis la révolution islamique de 1979, réalise actuellement au Caire. Mais c’est aussi une visite mouvementée pour le président du plus grand pays chiite de la planète.
Lors d’une conférence de presse donnée mardi, le recteur de la mosquée et de l'université d'Al-Azhar - la plus haute autorité de l'islam sunnite - lui a adressé une mise en garde contre l'"expansion de l'influence chiite" dans les pays sunnites.
Ahmed al-Tayyeb a ainsi demandé à la République islamique iranienne de ne pas s'immiscer dans les affaires des États du Golfe, appelant expressément le président iranien à "respecter fraternellement Bahreïn", où la majorité chiite se dit victime de discriminations de la part de la dynastie sunnite.
Des propos qui ont suscité l’agacement du président iranien, mais aussi de sa délégation.
Quelques instants plus tard, Ahmadinejad, qui effectuait une prière du soir à la mosquée Al-Hussein, a également été hué à sa sortie par un homme. Ce dernier a tenté de lancer une chaussure dans sa direction avant d’être neutralisé par des agents de la garde rapprochée du président, qui s’est réfugié dans sa voiture.
En face de la mosquée, quatre jeunes ont aussi brandi des pancartes en carton sur lesquelles on pouvait lire des slogans hostiles à l'Iran pour son soutien au régime du président syrien Bachar al-Assad, selon un photographe de l'AFP. "Ô Ahmadinejad, ne crois pas que le sang syrien sera vain. Nous nous vengerons des chiites", indiquait l'une d'elles.
"Un nouveau départ"
Le président iranien, qui effectue ce déplacement dans le cadre du sommet de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), a tout fait lors de cette première journée dans la capitale égyptienne pour réchauffer les relations diplomatiques de son pays avec Le Caire, estime Sonia Dridi, correspondante de FRANCE 24 en Égypte. "Ahmadinejad a déclaré qu’il espérait un nouveau départ pour la solidarité entre les deux peuples", explique-t-elle.
Les deux pays, dont les relations diplomatiques ont été rompues en 1980, ont rouvert leurs ambassades respectives à Téhéran et au Caire depuis la visite historique de Mohamed Morsi, en août dernier, à Téhéran.
itLes relations s'améliorent "progressivement", a déclaré à Reuters le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi. "Nous devons faire preuve d'un peu de patience. J'ai vraiment espoir d'un renforcement de nos relations bilatérales", a-t-il ajouté, évoquant les relations commerciales et économiques.
Divergences sur les dossiers syrien et palestinien
Malgré les signes d'ouverture, un nouveau départ entre les deux pays semble toutefois délicat, notamment en raison des dossiers syrien et palestinien, estime François Géré, président de l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas) et spécialiste de l’Iran. Intermédiaire habituel entre Israël et le Hamas, l'Égypte est le premier pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël en 1979, soucieux de ménager ses relations avec son partenaire américain. Une proximité avec Israël que l'Iran est loin de partager... À la veille de sa visite, Mahmoud Ahmadinejad avait déclaré dans une interview à la chaîne de télévision libanaise Al-Mayadine que "la géopolitique de cette région changera si l'Iran et l'Égypte adoptent une position commune sur la question palestinienne".
Par ailleurs, des divergences très fortes persistent également entre Téhéran, qui continue de soutenir le régime de Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite, branche de l'islam chiite, et Le Caire, qui appuie la cause des rebelles, majoritairement sunnites.
Si l’Iran est soucieux d’avoir un nouvel allié dans la région, l’Égypte, elle, subit la pression du royaume sunnite d’Arabie saoudite, qui voit d’un mauvais œil cet éventuel rapprochement. Sans compter que l'administration Morsi est également soucieuse de préserver ses relations avec les pétromonarchies du Golfe - qui soutiennent les finances publiques très entamées de l'Égypte - et de conserver des liens forts avec Washington, qui verse une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars à l'armée égyptienne.