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Débats sur le mariage gay à l’Assemblée : "On a l’impression d’être au cirque"

Depuis mardi 29 janvier, la bataille autour du projet de loi sur le mariage pour tous fait rage à l’Assemblée nationale. Judith Silberfeld, du magazine engagé Yagg, a suivi les débats et livre ses premières impressions.

Au lendemain d'une journée de pause, les hostilités ont repris, ce vendredi 1er février, à l’Assemblée nationale. Pour ce troisième jour de débats sur le mariage pour tous, les députés devaient commencer à examiner l’article 1er du projet de loi. Mais l’opposition a fait dévier les discussions sur la circulaire Taubira, publiée le 30 janvier, prévoyant de faciliter l'obtention d'un certificat de nationalité pour les enfants issus de gestation pour autrui (GPA).

Après de longues heures d’échanges houleux, les députés ont procédé au premier vote de la journée : les amendements de l’opposition réclamant la suppression de l’article 1er du projet de loi ont été rejetés par 183 voix pour et 85 contre.

FRANCE 24 a joint Judith Silberfeld, rédactrice en chef et co-fondatrice de Yagg, un webzine engagé pour la cause LGBT. Elle revient sur ces premiers jours de débats.

FRANCE 24 : Vous vous êtes rendue à l’Assemblée nationale en personne pour suivre les débats. Quelle impression les députés vous ont-ils laissé ?

Judith Silberfeld : Les députés m’ont paru particulièrement déchaînés depuis le début des débats sur le projet de loi sur le mariage pour tous. On a l’impression d’être au cirque ou dans une cour de récréation. À la seule différence que lorsque l’on demande aux enfants de se calmer, ils obéissent tandis qu’à l’Assemblée, rien ne semble pouvoir les arrêter…

Invectives, interruptions de séance permanentes… Les techniques d’obstruction parlementaire employées sont nombreuses. Pourquoi l’opposition cherche-t-elle à tout prix à ralentir le débat ? Quel est son intérêt ?

J. S. : Ces techniques classiques d’obstruction parlementaire prouvent que l’opposition se raccroche aux branches car elle est à court d’arguments. Elle sait pertinemment que la loi va passer, même si le vote sera plus serré au Sénat qu’à l’Assemblée.

Dans le même temps, ces méthodes permettent également à certains de se faire remarquer individuellement et de prendre un peu plus d’envergure politique. Bien qu’on les connaisse déjà, les Hervé Mariton, Henri Guaino et autre Philippe Gosselin se sont littéralement emparés du débat et deviennent, au moins pour quelques jours, omniprésents sur la scène politique. Il ne faut pas oublier que nous sommes à l’époque des réseaux sociaux : certains cherchent à se tailler une nouvelle notoriété en prononçant la petite phrase qui fera mouche.

Quels moments forts retenez-vous des trois premières séances de débats ?

J. S. : Pour l’instant, je retiens l’intervention de Sylviane Alaux, député (PS) des Pyrénées-Atlantiques et mère d’un jeune homme homosexuel. Son témoignage était très émouvant.

Les prises de paroles de Dominique Bertinotti et de Christiane Taubira étaient également assez intenses. J’ai l’impression que la Garde des Sceaux s’était réservée pour l’Assemblée. Durant son discours de mercredi soir, elle a prouvé qu’elle était une grande oratrice.

Autre temps fort, l’intervention du député homosexuel Franck Riester (UMP), l'un des deux membres de l'opposition qui a annoncé sa décision de voter en faveur du projet de loi.

Christiane Taubira, mercredi 30 janvier à l'Assemblée nationale

La polémique sur la circulaire Taubira ne fait-elle pas également partie des moments forts de la semaine ?

J. S. : La circulaire Taubira, elle, ne fait que reconnaître que des enfants existent et elle permet de désengorger les tribunaux. Ce débat n’a pas lieu d’être à l’Assemblée puisque la question de la GPA (gestation pour autrui) ne fait pas partie du projet de loi.

En outre, mettre la GPA et la PMA (procréation médicalement assistée) dans le même sac, comme l’ont fait certains membres de l’opposition, ne sert qu’à brouiller les pistes. Il faut rappeler que la PMA est légale en France pour les couples hétérosexuels. L’étendre aux couples homosexuels est une question d’égalité entre êtres humains. La GPA, en revanche, est illégale en France. Mélanger la GPA avec le débat sur le mariage pour tous ne fera que monter les hétéros contre les homos.

L’article 1er, au cœur de la séance de ce vendredi, fait tout particulièrement débat. Selon vous, comment vont se dérouler les prochaines séances ? Quels sont les autres articles qui risquent de faire parler d’eux ?

J. S. : L’article 1er est particulièrement emblématique car il est aussi le plus important. ["C’est l’épreuve de vérité, c’est là que se dit l’essentiel", a déclaré Christiane Taubira à propos dudit article, NDLR]. Ce qui ne veut pas dire que les autres passeront plus aisément. L’article 3, qui soulève le problème du nom de famille, promet déjà une belle séance à l’Assemblée. Nous ne sommes pas à l’abri de voir ressurgir le débat sur le livret de famille. J’ai vraiment l’impression de revivre les débats sur le Pacs…