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Dans la très catholique Espagne, le mariage gay est entré dans les mœurs

Alors que la France est divisée sur l'épineuse question du mariage homosexuel, l'Espagne a fait passer la loi en 2005, malgré une Église surpuissante et une vive opposition de la rue. Aujourd'hui, le mariage gay s'est imposé dans les mœurs.

Cela fait déjà plus de sept ans que l’homme d’affaires espagnol Enrique Sarasola et son compagnon Carlos Marrero se sont dits oui. Le couple s’est marié en 2006, moins d’un an après la légalisation du mariage homosexuel en Espagne, en juillet 2005.

Pour leur union, Enrique et Carlos ont voulu faire les choses en grand. Tout le gotha espagnol était présent : ministres, acteurs, et même la nièce du roi Juan Carlos. Des paillettes et des célébrités qui n’étaient pas tant pour faire la Une des magazines people que pour affirmer haut et fort que le mariage gay était bel et bien entré dans les mœurs.

"Avec autant de gens célèbres à ce mariage, une personne homosexuelle dans un village d'Andalousie pourra peut-être plus facilement se marier et l'assumer", estime aujourd’hui Enrique Sarasola au micro de FRANCE 24. De nombreux couples de célébrités leur ont emboîté le pas, ouvrant eux-mêmes la voie à un plus large public. Des la première année de la loi, 4 500 mariages entre personnes de même sexe ont été enregistrés.

Espagne récalcitrante mais pas bornée

Dans la très catholique Espagne, le mariage homosexuel n’avait pourtant rien d’une évidence. Jusqu’à la mort du général Franco en 1975, l’homosexualité était passible de prison, l’avortement et la pilule contraceptive interdits.

L’Église, toujours très puissante en Espagne, s’est vigoureusement dressée contre la loi, craignant un affaiblissement du terme "mariage". D’autres associations traditionnalistes s'y sont également opposées, au nom de la protection des familles. L’Eglise et l’Opus Dei ont mobilisé des milliers de personnes qui sont descendues dans les rues en juin 2005 pour protester contre la réforme.

De son côté, la droite conservatrice du Partido Popular (PP) a multiplié les recours pour faire obstacle à la loi qui est passée au terme de nombreux rebondissements, et non sans un petit coup de pouce du hasard.

La bataille législative

En 2004, José Luis Zapatero, candidat du Parti socialiste, fait campagne aux élections générales, face au très populaire José Maria Aznar en inscrivant le mariage gay dans son programme. Un match quasiment perdu d’avance pour le socialiste. Mais, le 11 mars 2004, trois bombes explosent à Madrid. Le pays ému désavoue la droite d’Aznar, pourtant en tête des sondages, et élit Zapatero.

Commence alors une longue bataille législative autour du mariage gay. Le projet de loi est approuvé par le Conseil des ministres en 2004, puis par le Parlement en 2005. Mais il est rejeté par le Sénat, où le Partido Popular possède la majorité des sièges. Le texte retourne au Congrès qui lève le véto du Sénat et l'adopte à 187 voix contre 147 en juin 2005.

Les membres du Partido Popular, le parti conservateur espagnol, déposent alors un recours devant la Cour constitutionnelle qui mettra sept ans à délibérer. Ce n’est qu’en 2012 que le texte est déclaré conforme à la Constitution.

"Au début évidemment, comme en France, l'Église vieillotte et la droite récalcitrante étaient contre", confirme Enrique Sarasola, "mais ils ont vu que ça ne changeait absolument rien. Du coup, la société l'a accepté."

Le mariage entré dans les mœurs

Depuis, le mariage s’est peu à peu imposé dans les mœurs et les crispations semblent dans l’ensemble dissipées, y compris parmi les générations qui ont connu la dictature.  "La popularité du mariage gay augmente. Si environ 60% de la population y étaient favorables en 2005, entre 68 et 70% le sont aujourd’hui", estime Hélène Seingier, correspondante de FRANCE 24 en Espagne.

En sept ans, 23 000 mariages homosexuels ont été célébrés dans le pays qui n’a d’ailleurs pas hésité à autoriser l’adoption et la procréation médicalement assistée (PMA) en même temps que le mariage gay.