Le constructeur canadien RIM joue gros : il dévoile, ce mercredi, les deux premiers téléphones portables de sa nouvelle gamme baptisée BlackBerry 10. En cas d’échec, le pionnier des smartphones pourrait être racheté.
Est-ce le jour du jugement dernier pour RIM, le célèbre constructeur des BlackBerry ? Le groupe canadien doit présenter, ce mercredi, sa nouvelle gamme de smartphones baptisée BlackBerry 10 (BB10). Il doit en dévoiler deux, l’un entièrement tactile et l’autre doté d’un clavier physique.
Pour ce pionnier des terminaux dits intelligents - à la frontière entre un téléphone et un ordinateur de poche - l’enjeu est simple : survivre dans un secteur ultra-concurrentiel qui ne pardonnera pas un nouveau faux pas. Les BlackBerry ont, en effet, largement raté le coche des smartphones tactiles très en vogue depuis l'introduction de l'iPhone en 2007.
Dans ce marché dominé en terme de ventes par les smartphones Android (le système d’exploitation pour mobiles de Google), sous influence des innovations made in Apple avec ses iPhone, RIM n’a pas intérêt à rater son rendez-vous avec son histoire.
Pour se refaire une place au soleil, les deux smartphones qu’il doit dévoiler “ne peuvent pas se contenter d’être seulement bien, mais doivent être excellents pour faire revenir les clients vers la marque”, assure au New York Times Ray Sharma, un ancien analyste financier spécialisé dans le secteur de la téléphonie.
Thorsten Heins, le PDG de RIM, ne doute pas que le groupe dont il a pris la tête il y a à peine un an va réussir à frapper un grand coup. “BlackBerry 10 ne sera pas seulement un nouveau modèle, mais une toute nouvelle expérience telle que l’industrie n’en a encore jamais vu”, assurait-il ainsi en juillet 2012 au quotidien canadien The Globe and Mail. Pour s’assurer que son dernier né soit autant que possible à la hauteur des attentes, il avait alors pris le pari - financièrement très risqué - de repousser de six mois la sortie de BB10.
Un retard qui avait déprimé les marchés financiers. En septembre 2012, l’action RIM était descendue à 6 dollars, son plus bas historique. Mais depuis fin décembre, le constructeur canadien a de nouveau la cote auprès des investisseurs et, mardi 29 janvier, l’action s’établissait à 15,71 dollars.
Des fonctions très attendues
Une remontée qui n’est pas seulement dûe à l’approche du jour J. “Les premiers retours des développeurs [d’applications pour les BlackBerry, NDLR] et de certains sites spécialisés qui ont pu voir les prototypes ont, en effet, engendré un certain optimisme”, rappelle ainsi le site américain spécialisé dans les nouveaux médias GigaOM.
Deux fonctions, promues par RIM depuis plusieurs mois déjà, semblent avoir particulièrement impressionnés les heureux élus qui ont pu manipuler le nouveau joujou made in Canada. Ainsi, le BlackBerry Hub centralise toutes les notifications sociales (mails, SMS, Facebook, Twitter ou encore LinkedIn) pour pouvoir y accéder en un seul clic.
L’autre nouveauté s’appelle BlackBerry Balance. Cette fonction permet de séparer les applications et données à usage personnelle (photos, musique, réseaux sociaux ou jeux) et celles à vocation professionnelle (mails, documents, etc.). Au travail, l'utilisateur peut avoir accès à toutes les données professionnelles sur son téléphone et chez lui, il peut basculer son BlackBerry en mode "perso".
La société pour laquelle travaille l’utilisateur du smartphone peut ainsi, pour des raisons de sécurité informatique, empêcher que son salarié puisse avoir accès à certaines données sensibles lorsqu’il quitte l’entreprise. L’employé, de son côté, peut ainsi éviter que des mails professionnels continuent de le hanter même pendant ses vacances.
Les professionnels, VRP de la marque ?
Une fonction qui rappelle que la marque a bâti sa réputation dans l’entreprise. Sur les 79 millions de possesseurs de BlackBerry qui restent dans le monde, une grande partie les utilise à des fins professionnelles. Les pousser à adopter les nouveaux modèles doit être la priorité du constructeur canadien, d’après Ben Wood, consultant pour la société britannique de conseil CCS Insight télécoms. “Ils peuvent devenir les meilleurs VRP de BlackBerry”, assure cet expert au site internet de la chaîne de télévision britannique BBC.
Pas sûr, néanmoins, qu’un succès auprès de ce public suffise pour RIM. Passés en trois ans de 20 % à 4,6 % de parts de marché dans le monde, les BlackBerry ne peuvent pas uniquement survivre grâce à l’entreprise. “Le monde professionnel est devenu un marché de niche”, rappelle ainsi le quotidien économique britannique Financial Times. Apple, Samsung & Co ont bâti leur succès en démocratisant l’usage des smartphones même auprès de la ménagère de moins de 50 ans.
Certes, la renaissance par l’entreprise peut être le début d’une stratégie de reconquête. Mais, dans un secteur qui évolue très vite, RIM risque de ne pas avoir le temps de mettre en place un plan à long terme. D’autant plus que des rumeurs prêtent à certains grands noms des nouvelles technologies - tels que le constructeur chinois de produits informatique Lenovo - des envies de rachat du groupe canadien. Si RIM ne parvient pas à convaincre rapidement les marchés de son retour au premier plan de la compétition, le pionnier des smartphones pourrait devenir une bonne affaire.