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Crash du Concorde : Continental relaxée au pénal

La compagnie américaine et ses salariés poursuivis au pénal ont été relaxés en appel. Leur responsabilité civile ayant toutefois été reconnue, ils ont été condamnés à dédommager les familles de victimes et à verser un million d'euros à Air France.

Plus de douze ans après l'accident qui a mis fin à la carrière du mythique avion supersonique Concorde, la compagnie américaine Continental Airlines et toutes les personnes également poursuivies au pénal ont été blanchies jeudi.

En première instance, le tribunal de Pontoise avait en 2010 condamné Continental au pénal à 200.000 euros d'amende et l'un de ses chefs d'équipe, John Taylor, à 15 mois de prison avec sursis, pour leur responsabilité dans cet accident qui avait tué 113 personnes près de Paris, relaxant les autres.

Poursuivis comme la compagnie pour "homicides involontaires", Stanley Ford et un mécanicien de Continental, John Taylor, ont été relaxés en appel, de même que Claude Frantzen, un des principaux dirigeants de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) de 1966 à 1994.

En raison de fautes de négligence de nature non pénale, la cour d'appel de Versailles a toutefois reconnu la responsabilité civile de Continental et de deux subordonnés, les condamnant à verser plusieurs centaines de milliers d'euros aux familles de victimes présentes et un million d'euros à Air France.

Me Olivier Metzner, avocat de Continental, a estimé que la vérité avait été établie.

"Pendant 12 ans, on a montré du doigt une compagnie d'aviation à tort. Le procès s'achève enfin et la vérité arrive enfin", a-t-il dit à la presse.

"Cet arrêt sera historique, parce qu'il relève les fautes des autorités de régulation françaises, les intrusions politiques", a-t-il remarqué.

Me Daniel Soulez-Larivière, avocat de Claude Frantzen, juge la décision logique. "J'ai toujours dit que cette affaire ne relevait pas du pénal", a-t-il déclaré.

Le 25 juillet 2000, un Concorde d'Air France transportant 109 passagers qui ont tous péri, en majorité des touristes allemands, avait pris feu peu après son décollage de Roissy et s'était écrasé sur un hôtel de Gonesse, y tuant également quatre personnes.

Des "pressions politiques" en France, dit la cour

Rejetant un scénario alternatif présenté par Me Metzner, la cour retient que l'accident a été provoqué par l'éclatement d'un pneu avant droit du Concorde, causé par une lamelle en titane de 43,5 cm, une "bande d'usure" tombée d'un avion de la compagnie américaine Continental Airlines.

La pièce avait été mal montée par John Taylor, qui travaillait sans contrat de travail pour Continental.

Mais cette faute n'est pas de nature pénale, dit la cour, car les hommes ne pouvaient savoir que des débris du pneu projetés contre l'aile et dans le réacteur du Concorde allaient endommager la propulsion et perforer un réservoir situé sous l'aile, entraînant une fuite de kérosène qui a provoqué l'incendie fatal.

Continental ne peut être poursuivie au pénal pour la faute relevant d'un simple subordonné sans contrat. L'arrêt rendu par la cour d'appel est par ailleurs gênant pour l'Etat français et l'aéronautique, notamment pour le successeur d'Aerospatiale, EADS, jamais poursuivie au pénal.

Relevant que des dizaines d'incidents similaires à celui ayant provoqué l'accident fatal étaient survenus dans les années 1980 et 1990, sans que jamais il ne soit apporté les modifications nécessaires au train d'atterrissage et aux ailes du Concorde, les juges se montrent sévères.

Le Concorde a été laissé en vol en raison de "pressions politiques", écrit-elle. Non rentable, le Concorde était maintenu pour des raisons de prestige. La modification des pneus a été abandonnée pour des "raisons financières", ajoute la cour.

La DGAC a également commis des fautes, dit la cour, puisqu'elle ne s'est jamais assurée de la réalité des modifications recommandées. La DGAC aurait du suspendre le certificat de navigabilité du Concorde pour les imposer.

Claude Frantzen est cependant relaxé car son poste n'est pas jugé suffisant pour qu'il ait pu imposer ses décisions.

L'affaire n'est pas totalement terminée puisque le cas de Jacques Hérubel, ingénieur en chef du programme Concorde à Aérospatiale de 1993 à 1995, doit encore être jugé, ainsi que le problème de l'éventuelle faute civile d'EADS.

Relaxé en première instance, Henri Perrier, un des "pères" du Concorde, directeur du programme Concorde de 1978 à 1994, ne verra pas la fin du dossier puisqu'il est mort en mai à 82 ans.

REUTERS