, correspondant FRANCE 24 à Pékin – La crise économique signe le grand retour dans les librairies du "Petit livre rouge" de Mao. Le symbole de la propagande marxiste est devenu le livre de chevet de millions d’étudiants chinois inquiets pour leur avenir.
Une vague de nostalgie communiste balaye la Chine. La crise économique laisse sur le carreau plus de 25 millions de chômeurs, sans compter les bataillons de jeunes diplômés qui, cette année, ne trouveront pas d’emploi. Pour eux, Mao fait son grand retour… chez les libraires. “Nous vendons cinq fois plus de 'Petit livre rouge' qu’avant la crise”, explique Fan Jinggang, le patron de la libraire "Utopia", tout près de l’université pékinoise de Beida, spécialisée dans la propagande communiste. “Au départ, nous voulions créer une librairie alternative, proposer des ouvrages différents. Mais, avec la crise, les questions sociales sont devenues la principale préoccupation de nos clients.”
Nostalgiques de Mao
Les rayons de cette librairie sont fréquentés par de nombreux étudiants. “Je dépense beaucoup d’argent pour faire mes études, explique Yang Lu, une étudiante de 22 ans. Je serai diplômée en juin prochain, mais je ne sais pas si je parviendrais à trouver du travail. Comment, alors, ne pas être nostalgique de l’époque de Mao, quand tous les étudiants étaient assurer de trouver un emploi ?”
Le Grand Timonier séduit
“À l’époque de Mao, tout le monde était égal, il n’y avait pas de privilèges. Mais, aujourd’hui, seuls les 'officials' sont riches et en bonne santé. L’égalité sous Mao, c’était une bonne chose”, reprend sa voisine. Dans un pays que l’on taxait il n'y a pas si longtemps d’avoir versé dans le capitalisme sauvage, ce retour de Mao passe par la lecture du "Petit livre rouge". “On en vend 200 par mois depuis le début de la crise”, souligne le patron d’ "Utopia" dont les rayonnages ont été multipliés par quatre pour accueillir toutes les bibles du marxisme, des pensées de Mao à l’histoire de l’URSS en passant par des biographies d’Hugo Chavez. “Notre librairie est devenue un front anti-libéral”, explique Fan Jinggang qui a accroché plusieurs portraits du fondateur de la République populaire sur les murs. Le patron reste discret sur les revenus qu’il tire de cette vague rouge, mais il semblent importants. Son site internet, www.wyzsx.com, est devenu le lieu de rendez-vous de tous les nostalgiques de Mao.
Un site internet pour les fans
Sur son forum très actif, on peut lire des commentaires à faire rougir le Grand Timonier : “Le communisme est la meilleure chose qui nous soit arrivée, écrit Yuzu. Il faut tout faire pour le sauver”. Yan Wang ajoute que “Mao a fait sortir la Chine de la pauvreté et qu’aujourd’hui c’est la crise. Mao a fait tout ces efforts pour donner un statut international à la Chine et aujourd’hui il faut protéger son héritage”. Bien entendu aucune référence n'est faite aux purges de la Révolution culturelle et aux droits de l’Homme, des sujets que l’on n’aborde jamais à l’université et dont on parle avec prudence sur Internet et dans les livres d’Histoire. Pour autant, Fan Jinggang assure que son forum ne connaît aucune censure et qu’il n’est pas télécommandé par le gouvernement. Dans un pays qui compte près de 300 millions d’internautes, le Petit livre rouge est donc assuré de connaître une nouvelle carrière.