Alors que plusieurs personnalités locales accusent le ministre de l’Intérieur d’avoir autorisé l’extradition de la militante basque, Manuel Valls affirme n’avoir pris "aucune décision" concernant l’exécution du mandat d’arrêt européen la visant.
Très critiqué depuis l’interpellation et l’extradition en Espagne de la militante basque Aurore Martin, Manuel Valls monte au créneau. Dans une interview au journal régional Sud Ouest, publiée dimanche, le ministre de l’Intérieur se défend d’avoir joué un rôle dans la mise à exécution du mandat d'arrêt européen (MAE) lancé en 2010 contre la jeune Française.
"L’exécution du MAE est une décision de la justice. La décision a été appliquée sous l’autorité du parquet général de Pau. Ce n’est pas du ressort du ministre de l’Intérieur que je suis. Je n’ai pris ici aucune décision", a-t-il affirmé au quotidien régional.
“Une opération de juge à juge”
De son côté, la ministre de la Justice Christiane Taubira a corroboré les propos du locataire de la place Beauvau. Pour la Chancellerie, l’extradition d’Aurore Martin s'inscrit dans "le strict cadre" du MAE émis par un juge de Madrid pour "des faits de participation à une organisation terroriste". Il s’agit d’une “opération de juge à juge, les autorités gouvernementales n'intervenant plus", écrit Christiane Taubira dans un communiqué publié samedi soir.
L’Espagne reproche à la militante française d’avoir participé sur son sol à des réunions du parti indépendantiste basque Batasuna, autorisé en France mais interdit de l’autre côté des Pyrénées. Tous les recours de la jeune femme de 33 ans contre le MAE ont été rejetés. Le ministère de la Justice a fait savoir qu’elle avait comparu vendredi matin devant un juge de Madrid puis avait été placée sous mandat de dépôt. Elle risque 12 ans de prison.
L’interpellation et l’extradition d’Aurore Martin, jeudi 1er novembre, ont suscité un vif émoi au Pays basque. Des élus locaux de tous bords ont réclamé son “retour immédiat” en France et plusieurs manifestations ont eu lieu depuis vendredi. Samedi, les soutiens de la jeune femme ont continué à donner de la voix. À Bayonne, où une manifestation a réuni 500 personnes vendredi soir, le collectif Bake Bidea ("le chemin de la paix", en langue basque, ndlr) a organisé une conférence de presse réunissant militants associatifs, élus et syndicats. Ils appellent également à un rassemblement devant la sous-préfecture de Bayonne, lundi à 13h30.
Valls confirme le caractère "fortuit" de l'arrestation
Samedi, Olivier Dartigolles, conseiller municipal communiste de Pau, soupçonnait le ministre le plus populaire du gouvernement d’avoir voulu faire un coup politique, se demandant s’il avait tenté de “reprendre la main avec l'arrestation d'Aurore Martin”. Dans Sud Ouest, Manuel Valls, qui a entre temps reçu le soutien de ténors socialistes comme le premier secrétaire du parti Harlem Désir ou encore le chef de file des députés PS Bruno Le Roux, leur a répondu. Il est "étrange", insiste-t-il, que des élus "notamment des parlementaires qui votent les lois, demandent que l'on n'applique pas la loi".
Dans la classe politique locale, des interrogations avaient notamment surgi sur le caractère “fortuit” de son arrestation lors d’un banal contrôle routier. L’aspect inattendu de cette intervention, évoqué dès jeudi par les autorités a été confirmé par Manuel Valls dans Sud Ouest. "Je démens toute autre version des faits", a-t-il déclaré
Mais cette sortie n’a pas convaincu les soutiens d’Aurore Martin au Pays basque. “Quel cynisme!”, a ainsi commenté le premier adjoint UMP au Maire de Biarritz, Max Brisson sur Twitter.
Un scepticisme que partagent également certains élus socialistes. "Je ne suis pas convaincue par ses thèses (…). Je l'invite à venir s'asseoir autour de notre table républicaine au Pays basque", a déclaré à l'AFP Sylviane Alaux, députée PS des Pyrénées-Atlantiques.
Pour Colette Capdevielle, autre députée socialiste des Pyrénées-Atlantiques, "ce sont des propos généralistes d'un ministre de l'Intérieur qui lutte contre le terrorisme. Entre la date de signature du mandat d'arrêt européen (MAE) (...) par les autorités espagnoles et aujourd'hui, un processus de paix s'est mis en marche" mais "il ne l'entend pas".
FRANCE 24 avec dépêches