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Drone abattu en Israël : le Hezbollah et Téhéran défient Tel-Aviv

Le Hezbollah libanais se glorifie d'avoir lancé, le 6 octobre, le drone "de fabrication iranienne" qui a survolé le territoire de l’État hébreu, avant d'être abattu par l'armée de l'air israélienne. Une revendication sans surprise.

Hassan Nasrallah bombe le torse. Après avoir reconnu que le Hezbollah est bel et bien responsable de l’envoi, le 6 octobre, d’un drone en Israël, le chef du parti chiite a affirmé qu’il s’agissait "d'une opération qualitative et très importante dans l'histoire de la résistance au Liban et dans la région". Cette revendication, prononcée dans un discours diffusé à la télévision jeudi soir, met fin à un secret de polichinelle cinq jours après la destruction de l’appareil sans pilote par l’armée de l’air israélienne. 

"Un avion de reconnaissance sophistiqué a été envoyé à partir du territoire libanais (...) et a traversé des centaines de kilomètres au-dessus de la mer (Méditerranée) avant de franchir les lignes ennemies et d'entrer en Palestine occupée (le Hezbollah ne reconnaît pas Israël, ndlr", a-t-il révélé. Selon des sources militaires israéliennes, le drone est parvenu à survoler leur territoire sur 55 kilomètres.
 

La destruction du drone par l'armée israélienne

Le Hezbollah, "le messager" de Téhéran 
Hassan Nasrallah a en outre précisé que le drone, "de fabrication iranienne" mais "assemblé et monté au Liban", avait "survolé des installations sensibles et importantes sur des dizaines de kilomètres jusqu’à ce que l’ennemi le repère près (du réacteur nucléaire) de Dimona". Et d’ajouter : "Ce n'est pas  la première fois (qu'un drone est envoyé) et ce ne sera pas la dernière fois", rappelant au passage qu’Israël a violé, depuis 2006, plus de 20 000 fois l’espace aérien libanais. En 2006, lors de la guerre entre son parti et Israël, l'armée israélienne avait abattu un drone du mouvement politico-militaire chiite qui n'était pas chargé d'explosifs. Un an plus tôt, un autre appareil sans pilote du Hezbollah avait réussi à survoler une partie du territoire du nord d'Israël.
Interrogé par FRANCE 24, le politologue libanais Paul Salem, directeur du centre Carnegie pour le Moyen-Orient, ne trouve "rien de surprenant dans le fait que le Hezbollah envoie des drones en Israël, si ce n’est que cette fois l’appareil est parvenu à survoler le sud de l’État hébreu". Selon lui, cet évènement s’inscrit dans le cadre des tensions entre Téhéran, parrain financier et militaire du parti chiite libanais, et Tel-Aviv autour du programme nucléaire iranien. Israël estime, en effet, qu'une éventuelle arme atomique iranienne mettrait en péril son existence et a menacé à plusieurs reprises de procéder à des frappes ciblées contre les sites nucléaires iraniens. La République islamique de son côté dément vouloir se doter d'une telle arme.
"Dans cette affaire, le Hezbollah n’est qu’un messager, insiste le politologue. Il s’agit d’une constante dans la politique iranienne que d’utiliser son allié libanais pour envoyer des messages à l’État hébreu afin de lui rappeler que s’il se lance dans une guerre contre Téhéran, il pourrait en payer les conséquences sur son sol". Et d’ajouter : "Ce n’est pas anodin de la part d'Hassan Nasrallah de préciser, voire d’insister, sur le fait que le drone était de fabrication iranienne, même s’il a revendiqué la paternité de l’initiative".
"Le Liban en première ligne"
Toujours est-il que c’est le Liban qui partage une frontière avec Israël, et non pas l’Iran.
Et dans son discours d’autoglorification, le leader du parti chiite a estimé que "les Libanais devraient être fiers" de cette opération. Toutefois, pour Paul Salem, le message envoyé par les Iraniens et le Hezbollah place le Liban en première ligne d’un éventuel conflit entre Israël et l’Iran. "La situation  risque à tout moment de dégénérer et donc d’entraîner les Libanais malgré eux dans une guerre dans laquelle ils n’ont rien à gagner et tout à perdre", ajoute-t-il.
C’est justement ce qui semble inquiéter le président de la République libanaise Michel Sleimane. "Envoyer un drone au dessus d’un territoire ennemi souligne le besoin d’une stratégie de défense qui profiterait des avantages liés aux capacités de la résistance (soit le Hezbollah, ndlr) de défendre le Liban", a-t-il déclaré ce vendredi. "Il s’agit aussi de mettre en place un mécanisme pour donner l’ordre d’utiliser cette capacité conformément aux plans de l’armée, à ses besoins de défense et à l’intérêt national uniquement", a ajouté le chef de l’État.
En clair, et conformément aux demandes réitérées par plusieurs partis libanais opposés au parti chiite, "ce n’est pas au Hezbollah de décider de la guerre ou de la paix avec son voisin israélien, et ce, a fortiori, dans l’intérêt d’une puissance étrangère, en l’occurrence l’Iran", décrypte un ancien diplomate libanais joint au téléphone à Beyrouth par FRANCE 24, et qui a requis l’anonymat.
"Détermination" israélienne
De son côté, Tel-Aviv n’a pas attendu la confirmation du Hezbollah pour dénoncer la provenance du drone. Peu avant le discours du leader chiite, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a accusé le Hezbollah d'avoir envoyé ce drone et a promis de protéger "avec détermination" les frontières de l'État hébreu, et ce, en continuant " à agir agressivement contre toutes les menaces".
"La réponse israélienne sera d’ordre militaire mais pas dans le sens de représailles directes contre le Hezbollah, car la priorité reste l’Iran, poursuit Paul Salem. Je pense qu’ils vont répliquer en renforçant leurs moyens de contrôle de leur espace aérien afin de mieux se protéger de ce type d’intrusion". "Pour commencer ", conclut l’ancien diplomate contacté par FRANCE 24.