Le constructeur chinois est devenu le premier vendeur mondial de PC devant Hewlett-Packard. Dans un climat morose pour le secteur, il est le seul à avoir enregistré une hausse de ses ventes en un an. Histoire d’une success-story chinoise.
C’est fait. La suprématie des constructeurs informatiques américains n’est plus, selon le cabinet américain d’études Gartner. C’est un Chinois, Lenovo, qui a mis, jeudi 10 octobre, un terme à six ans de leadership de Hewlett-Packard (HP), qui lui même avait repris le flambeau de Dell.
Sur un marché des ventes de PC en berne au troisième trimestre 2012 - moins 8,3 % par rapport à l’année dernière - le constructeur chinois a vendu 13 767 976 ordinateurs contre 13 550 761 pour HP. L’Américain Dell ferme le trio de tête devant deux Taïwanais, Asus et Acer.
“C’est la première fois de son histoire que Lenovo occupe cette place de leader, un succès qu’il doit à sa politique d’acquisition et de positionnement agressif sur les prix”, analyse Gartner dans ces conclusions. Le groupe est, par ailleurs, le seul à avoir connu une progression de ses ventes mondiales en un an (+9,1 %).
Lenovo a dû batailler ferme pendant plus de 21 ans pour parvenir à ce niveau. Les consommateurs occidentaux n’ont certes appris à connaitre cette marque qu’à partir du rachat, en 2004, de la branche PC du géant américain IBM pour 1,75 milliards de dollars. Mais le constructeur existe depuis bien plus longtemps.
De Legend à Lenovo
Son histoire remonte à 1987, lorsque dix étudiants de l’Académie chinoise des sciences fondent New Technology Developer grâce à une aide publique de 25 000 dollars. Ce revendeur de matériel informatique prend, trois ans plus tard, le nom de Legend, qu’il gardera jusqu’à sa décision d’aller à la conquête du monde en 2004.
Entre temps, Legend a décidé de construire, à partir de 1991, ses propres ordinateurs et, à la veille du 21e siècle, occupe confortablement la première place en Chine. Lorsque l’ex-Empire du Milieu décide de rejoindre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, le PDG de Lenovo, Yang Yuanqing, assure - prophétique - qu’en dix ans sa marque sera le leader mondial des constructeurs de PC.
Pour ce faire, Lenovo décide d’augmenter la part du marketing dans son budget de 2 % en 2001 à 20 % en 2003. Malgré cet effort pour se faire connaître à l’international, l’ascension n’a pas été aussi irrésistible qu’on pourrait le croire. Si l’acquisition, en 2004, de la branche PC d’IBM permet au constructeur chinois de se propulser d’entrée de jeu à la troisième place des constructeurs mondiaux, Lenovo rencontre rapidement un problème de culture.
Le groupe “exclusivement tourné vers le marché intérieur chinois n’avait absolument aucune équipe capable d’organiser le développement à l’international, alors que son acquisition l’a obligé très vite à jouer dans la cour des très grands”, écrivent ainsi plusieurs chercheurs de l’école américaine d’économie INSEAD dans une étude de cas de juin 2012 consacrée à la “mondialisation financière de Lenovo”.
Marchés émergents
Conséquence : le constructeur attend deux ans avant de commercialiser à l'étranger des ordinateurs sous son propre nom, à partir de 2006. Il peine à réaliser des profits hors de Chine et se fait ravir la troisième place au classement des constructeurs d’ordinateurs par le Taïwanais Acer.
Lenovo décide alors de réduire ses effectifs et se départit même de son activité de constructeur de téléphones portables débutée en 2002. Lorsque la crise économique frappe le monde en 2008, le constructeur chinois n’est pas épargné et affiche en 2009, pour la première fois, des pertes. Mais le groupe comprend également à cette époque l’intérêt de jouer à fond la carte des pays émergents, des marchés où les géants américains du secteur sont beaucoup moins entreprenants.
Ce sont donc le Brésil, l’Inde ou encore l’Afrique du Sud qui permettent à Lenovo de réellement décoller à partir de 2009, alors que ses concurrents continuent à éprouver des difficultés dans les pays dits développés. Une stratégie gagnante qui permet à Lenovo de renouer avec les profits dès 2010 et de ravir la deuxième place mondiale des constructeurs à Dell.
Mais surclasser les Dell et HP ne suffit pas à Lenovo. Depuis 2011, le groupe a décidé de s’attaquer au pré carré de géants multi-cartes comme Samsung ou Apple. Le constructeur chinois commercialise, en effet, ses propres smartphones et tablettes, et s’est lancé depuis début 2012 dans la télévision connectée.