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Extradé à Lomé, Loïk Le Floch-Prigent renoue avec les ennuis judiciaires

Arrêté vendredi soir à Abidjan, l’ex-grand dirigeant d’entreprises françaises se retrouve au cœur d'une affaire d'escroquerie au Togo. Une étape de plus dans sa chute entamée en 1996 avec le scandale financier qui secoua le groupe pétrolier Elf.

"Têtu comme un Breton", dit le proverbe. Encore une fois, le camp de Loïk Le Floch-Prigent, natif de Brest (Finistère), crie à la machination à l’heure où l’ex-dirigeant de l'ancien groupe pétrolier français Elf se retrouve aux mains de la justice togolaise à Lomé. À en croire son avocat Me Patrick Klugman, interrogé par FRANCE 24, l'affaire d'escroquerie dans laquelle il est poursuivi au Togo "ne [le] concerne pas".

"Que l'on restitue à M. Le Floch-Prigent sa juste place dans cette affaire, qui est sans doute celle d'un témoin. Certainement pas la place d'une personne visée par un mandat d'arrêt", poursuit-il au sujet de l’extradition de son client vers Lomé, 24 après heures son arrestation, vendredi 14 septembre, à Abidjan, en Côte d’Ivoire.

Loïk Le Floch-Prigent fait en effet l'objet d'un mandat d’arrêt international émis par les autorités togolaises. Ce mandat fait suite à une plainte déposée par un homme d’affaires des Émirats arabes unis, Abass al-Youssef, qui affirme que l’ex-PDG et deux Togolais ont monté une arnaque qui lui aurait coûté plus de 36 millions d'euros. Le Français affirme  connaître le businessman émirati mais nie avoir tenté de l’escroquer.

Plusieurs séjours en prison

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La réaction de Patrick Klugman, l'avocat de Loïk Le Floch-Prigent

Une machination, c’est ce que Loïk Le Floch-Prigent avait déjà dénoncé en 2003. À cette époque, il avait été condamné à cinq ans de prison pour malversations dans l’affaire Elf, un scandale de corruption dont l’enquête avait été confiée à une certaine Eva Joly, alors juge d’instruction. Il s’offusquait alors d’être le seul patron de la firme pétrolière poursuivi dans cette affaire.

Après 19 mois de détention, Loïk Le Floch-Prigent retrouvait sa liberté mais se prétendait ruiné et regrettait que tous ses amis lui aient tourné le dos. "Je vis essentiellement sur les revenus de mon épouse. Le peu que je possédais a été saisi et les huissiers scrutent en permanence des comptes vides. On ne me laisse pas vivre”, déclarait-il en 2006 à l’hebdomadaire "Le Nouvel Observateur".

Les années suivantes n’auront pas été tellement plus reluisantes. En 2010, l’ingénieur de formation effectue six mois de prison supplémentaires pour ne pas avoir respecté les termes de sa liberté conditionnelle. Qui aurait pu imaginer de tels déboires il y a 25 ans ?

PDG, consultant... et écrivain

Dans les années 1980, sous la présidence du socialiste François Mitterrand, Loïk Le Floch-Prigent était un dirigeant d'entreprises de premier plan qui occupa la tête de plusieurs grands groupes hexagonaux. Pendant la vague de nationalisations, ce dirigeant proche de la gauche devient numéro un de Rhône-Poulenc (1982-1986), dont il redresse les comptes, d'Elf-Aquitaine (1989-1993), de GDF (1993-1995) et de la SNCF (1995-1996) avant d’être rattrapé par l’affaire Elf.

Aujourd’hui, il assure avoir tourné la page. "Je n'y pense plus, c'est complètement derrière moi", déclarait-il dans une interview accordée fin août à l'AFP. À bientôt 69 ans, il a toutefois renoué avec le secteur énergétique puisqu’il effectue aujourd’hui des missions de consultant dans le pétrole. "Quinze jours par mois à Brazzaville, Abidjan, Addis-Abeba et Dubaï, les 15 autres jours à Paris avec des voyages en Italie et dans les pays d'Europe de l'Est", précisait-il.

Mais ce passionné de pêche tente surtout de passer un maximum de son temps libre à Trébeurden, dans sa Bretagne natale. Là, il s’adonne à un plaisir découvert en prison : l’écriture. L’action de son quatrième livre, le roman “Granit rosse” (éd. Coop Breizh), se situe d’ailleurs sur ses terres chéries.

Dans ce récit policier, le PDG-romancier met en scène un Parisien qui ne comprend pas les subtilités de la vie locale et s’en tient au coupable désigné... Comme un clin d’œil à ses propres déboires judiciaires. Aujourd’hui encore, Loïk Le Floch-Prigent semble chercher à laver son honneur dans l’affaire Elf. Têtu comme un Breton, dit-on...

(FRANCE 24 avec dépêches)