Le Salvador, à droite depuis vingt ans, pourrait connaître un changement historique, lors de la prochaine élection présidentielle, en basculant à gauche - comme d'autres pays d'Amérique centrale. Le tout sous le regard attentif de Washington.
AFP - Le scrutin pour l'élection présidentielle se déroulait sans incidents dimanche au Salvador, petit pays d'Amérique centrale où le parti de l'ancienne guérilla d'extrême gauche espérait l'emporter sur la droite, au pouvoir depuis 20 ans.
Le scrutin opposait Mauricio Funes, de l'ancienne rébellion du front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN), au candidat de la droite, Rodrigo Avila. Le président conservateur sortant Elias Antonio Saca était absent du scrutin, car la Constitution lui interdit deux mandats successifs.
Le Tribunal suprême électoral (TSE) devait annoncer les premiers résultats vers 20h00 heure locale (lundi 02h00 GMT).
Un succès de M. Funes constituerait un revirement historique, car il marquerait une victoire de l'ancienne guérilla par les urnes contre le camp conservateur qui l'avait vaincue en 1992, grâce à l'appui de Washington, après une guerre civile de douze ans qui a fait 75.000 morts.
"Tout se déroule bien, et nous espérons avoir une forte participation à la fin de l'après-midi", a déclaré en fin de matinée le président du TSE, Walter Araujo. La seule gêne dans les opérations de vote a été apportée par de fortes pluies dans l'ouest du pays, selon lui.
Les rapports de la mission d'observation de l'Union européenne (MOE-UE) indiquaient "une absence d'incidents", a confirmé son chef adjoint, l'Espagnol José Antonio de Gabriel.
Quatre heures après l'ouverture des bureaux, un sondage du TSE indiquait un taux de participation de plus de 20% à San Salvador, la capitale, et dans plusieurs autres grandes villes. La précédente élection présidentielle, le 21 mars 2004, avait été marquée par une participation élevée, 67,34%.
Les Etats-Unis sont très attentifs au scrutin, d'autant que le FMLN a déjà gagné les législatives de janvier dernier. Des parlementaires ont évoqué par écrit des "menaces potentielles" pour les "intérêts de sécurité nationale" des Etats-Unis dans le cas d'une victoire de la gauche, qui rapprocherait le Salvador de leur bête noire dans la région, le président vénézuélien Hugo Chavez.
Depuis l'intervention décisive de Washington contre la guérilla, le Salvador est "américanisé", avec une économie "dollarisée" au sens propre du terme, puisque le billet vert est devenu la monnaie nationale.
Le Salvador, qui vient de rapatrier d'Irak le contingent de 200 militaires qu'il y avait envoyé voici cinq ans et demi, a été le seul pays d'Amérique latine à être resté dans le pays jusqu'à la fin du mandat de l'ONU, le 31 décembre dernier.
Certes, le prochain président du Salvador, qui sera officiellement investi le 1er juin prochain, ne pourra gouverner seul, car le FMLN, désormais première formation à l'Assemblée, n'y a pas la majorité absolue. Il devra donc composer en nouant des alliances avec les partis minoritaires, comme c'était déjà le lot de M. Saca.
M. Funes, 49 ans, ancien journaliste vedette de la télévision et correspondant de la station américaine CNN, a promis que, s'il l'emportait, le Salvador demeurerait un allié de Washington. Il a ajouté qu'il ne voyait pas de raison de ne pas "s'entendre" avec le président Barack Obama, dont l'Amérique Latine attend un nouveau dialogue avec les Etats-Unis.
Le candidat du président Saca, son ancien directeur de la Police nationale, Rodrigo Avila, un ingénieur de 44 ans, a martelé tout au long de sa campagne qu'une victoire de son rival ferait "basculer le Salvador dans le camp du Venezuela de Hugo Chavez".
Elle ouvrirait la porte au "socialisme du XXIe siècle" préconisé par le président vénézuélien, a-t-il répété, soulignant que c'était déjà le cas au Nicaragua de Daniel Ortega et au Honduras de Manuel Zelaya.
"La gauche que je représente est la gauche salvadorienne" et le FMLN a "évolué", a répondu M. Funes.
L'ex-guérilla tient compte des "exigences de l'époque" et a choisi pour slogan le "changement dans la sécurité", a-t-il répété.