
Le ministre du Travail a annoncé que la France comptait plus de trois millions de chômeurs. Contre cette envolée, il mise sur les contrats aidés, une mesure très critiquée par la droite. L'analyse du spécialiste Mathieu Plane.
C’est officiel, la France compte plus de trois millions de chômeurs si on inclut les DOM (départements d’outre-mer). Michel Sapin, ministre du Travail, l’a confirmé le 2 septembre sur Radio J : il y a actuellement 3,232 millions de demandeurs d'emploi sans aucune activité.
itFace à cette dégradation de la situation de l’emploi, Michel Sapin a déroulé le plan d’action à venir du gouvernement. Il repose d'abord sur les “emplois d'avenir" pour les jeunes non qualifiés, visant 150 000 contrats en 2014, dont 100 000 dès 2013, puis sur les “contrats de génération” qui doivent aider des jeunes à entrer dans l’entreprise tout en permettant à des seniors de rester en place en tant que mentors.
Une pluie de contrats aidés qui n’a pas échappé aux critiques de la droite. Ces emplois ne s’attaquent pas “au problème profond de l’économie française : la compétitivité des entreprises”, a ainsi affirmé le 3 septembre sur France 2 l'ancienne ministre du Budget sous l'ère Sarkozy, Valérie Pecresse. L’ancien Premier ministre François Fillon s’est lui emporté dès la semaine dernière contre “la multiplication des emplois aidés” qui ne seraient “ni un véritable emploi ni un véritable avenir” pour les jeunes.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est donc accusé de déployer des mesures pansements qui cacheraient une absence de traitement de fond du phénomène du chômage de masse. Interrogé par FRANCE 24, Mathieu Plane, spécialiste de l’économie française à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), assure qu’il ne faut pas se tromper de priorité. Pour lui, il y a urgence à un traitement social du chômage.
Face à l’envolée du chômage en France, les “emplois aidés”, très critiqués par la droite, sont-ils une solution ?
Mathieu Plane : Il s’agit bien évidement de solutions d’urgence face à un problème bien particulier : le chômage des jeunes peu qualifiés. C’est sûr que ces emplois ne vont pas inverser la tendance sur le marché de l’emploi. Mais il faut savoir de quoi on parle. Ces contrats aidés sont des mesures de traitement social du chômage. Il s’agit d’absorber comme on peut le choc économique de la rigueur et de la détérioration de la situation partout en Europe.
La seule manière de réduire le chômage serait de retrouver le chemin de la croissance. L’économie continuera à détruire des emplois tant qu’il n’y aura pas une augmentation du PIB de 1,5 % au moins. Dans le contexte actuel, pour y parvenir, il faudrait avant tout lever le pied sur la rigueur un peu partout en Europe. Tant que ce ne sera pas à l’ordre du jour, les mesures comme les "emplois d’avenir" ou les "contrats de génération" sont des bonnes solutions d’urgence.
Ils sont pourtant comparés aux "emplois-jeunes" du gouvernement Jospin dont le bilan avait été mitigé...
M. P. : Le principal reproche qu’on peut faire aux "emplois-jeunes" est qu’ils étaient ouverts à tous les moins de 25 ans. En clair, on s’est retrouvé dans une situation où beaucoup de postes créés étaient occupés par des jeunes surqualifiés au détriment de ceux qui n’avaient pas beaucoup de diplômes.
Avec les “emplois d’avenir”, ce risque n’existe pas. Il s’agit en effet de mesures qui s’adressent aux jeunes les moins qualifiés et offrent des contrats de un à trois ans payés au smic. Ceci étant, les “contrats de génération”, qui sont ouverts aux entreprises privées alors que les “emplois d’avenir” concernent avant tout le secteur public et les associations, risquent d’engendrer un effet d’aubaine similaire à celui des “emplois-jeunes”. Les entreprises vont embaucher un jeune peu qualifié uniquement le temps de la subvention de l’État. C’est pour cela que je pense que pour les 500 000 "contrats de génération" qui devraient être signés au cours du quinquennat, seulement 50 à 100 000 seront des emplois durables.
Pour la droite, au lieu de multiplier les contrats aidés, il faudrait améliorer la compétitivité des entreprises par rapport aux autres pays européens, notamment l’Allemagne. Qu’en pensez vous ?
M.P. : Il y a évidement une reflexion à mener sur la manière de réduire les charges qui pèsent sur l’entreprise. Mais le problème est que si on prend l'Allemagne pour modèle, les gains de compétitivité se feront presque uniquement au détriment de la feuille de salaire de l’employé. Le risque est que tous les gouvernements en Europe soient tentés de gagner en compétitivité en jouant sur les salaires. Et avec un salaire moindre, qui va alors consommer ?