
Un nombre croissant d’économistes pense que le Produit intérieur brut (PIB) ne suffit plus à évaluer les progrès effectués par un pays. Une commission doit bientôt fournir des pistes de réflexion pour élaborer des indicateurs alternatifs.
Dépoussiérer le PIB. Dans un peu plus d’un mois, une commission présidée par le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz doit proposer des indicateurs alternatifs censés mieux mesurer le bien-être d’un pays. Car le Produit intérieur brut (PIB), qui calcule la croissance de la richesse d’un pays, est de plus en plus critiqué.
"Malheureusement, il y a un mésusage qui est fait du PIB. Il est devenu une sorte de veau d’or des temps modernes", souligne Dominique Meda, auteure de "Au-delà du PIB : pour une autre mesure de la richesse". Alors qu’il ne s’agit que d’un indicateur comptable*, certains économistes l’assimilent au progrès. "Tout ce qui peut se vendre, et crée une valeur ajouté, augmente le PIB", explique Raphaël Wintrebert, auteur de "Des pistes de réflexion pour la commission Stiglitz". Ainsi, la vente et la consommation de drogue sont susceptibles de gonfler le PIB. Tout comme le travail des enfants. Difficile, dans ces cas là, de l’associer au progrès...
Les États-Unis sont les premiers à y avoir eu recours, au moment de leur entrée en guerre en 1941. Par la suite, son utilisation a permis aux gouvernements de planifier leurs politiques économiques. Il s’est imposé comme le principal indicateur à l’ère des comparaisons et de la mondialisation.
Situation ubuesque
Maintenant que le concept de développement durable a fait son apparition, le fait que le PIB de la Chine soit supérieur à celui de l’Allemagne ne suffit plus. "La crise écologique est passée par là", confirme Dominique Meda. Avec le seul PIB, on peut arriver à des situations ubuesques : "L'argent dépensé pour nettoyer la pollution liée au naufrage de l'Érika a été comptabilisé en positif dans le PIB", rappelle Raphaël Wintrebert.
D’où la recherche d’un indicateur plus moderne. La commission Stiglitz, voulue par le président Nicolas Sarkozy, fait plancher depuis avril 2008 une batterie de prix Nobel d’économie (5 en tout) sur cette question. "Se contenter du PIB est dangereux, car il ne nous dit absolument pas qu’on va droit dans le mur", assure Dominique Meda. "Ils devraient proposer trois ou quatre scénarios", estime Raphaël Wintrebert.
Les pistes explorées ? Ajouter des données comme le bénévolat, l’engagement politique ou le travail domestique, et en retrancher d’autres telles que la dégradation de l’environnement. L’autre option serait de créer un nouvel indicateur complémentaire. Il mixerait des valeurs plus sociétales comme la santé, l’éducation ou encore les loisirs. Une sorte d’indice du bien-être, qui doit être simple, "pour qu’il puisse être médiatisé et discutable", assure Raphaël Wintrebert. Encore faut-il trouver le socle universel de valeurs qui puisse rendre compte de ce bien-être.
*L’une des méthodes communes de calcul du PIB est : Dépense de consommation courante + Formation brute de capital fixe + Exportations de biens et services -Importations de biens et services.