logo

Courte parenthèse dans la course à la Maison Blanche. Le candidat républicain Mitt Romney tente de se poser en homme d'État en effectuant une tournée internationale de six jours qui l'emmènera au Royaume-Uni, en Israël et en Pologne.

Après avoir essuyé ces dernières semaines de violentes critiques au sujet de son passé à la tête du fonds d’investissements Bain Capital et sur sa fortune personnelle, Mitt Romney doit se réjouir de s’être envolé à l’étranger, d’où il pourra concentrer l’attention médiatique sur sa vision de la politique étrangère.

Au Royaume-Uni, ce jeudi 26 juillet, le candidat républicain à la présidentielle américaine a rencontré le Premier ministre britannique, David Cameron, ainsi que son prédécesseur travailliste Tony Blair. Il doit s’entretenir vendredi avec le chef du gouvernement irlandais Enda Kenny, ainsi qu'avec des athlètes américains qui participeront aux Jeux olympiques de Londres.

Le rite de passage des candidats à la Maison Blanche

Pour les candidats à la présidentielle américaine, la tournée étrangère de l’été précédent l'élection est un rite de passage incontournable. Le candidat Barack Obama y avait d’ailleurs excellé en 2008 : il avait redoublé d’éloquence devant plus de 200 000 personnes en liesse à Berlin, reçu le soutien du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki et charmé le président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, qui le considérait comme son "copain".

Mitt Romney ne recevra peut-être pas l’accueil de star de son concurrent qui, en signant quelques succès dans la guerre contre le terrorisme, ainsi qu'en Irak et en Afghanistan, a gagné ses galons sur la scène internationale. Mais comme le dit John Fortier, politologue au sein du think tank américain Bipartisan Policy Center, "en voyageant, Romney entend affermir sa crédibilité en matière de politique étrangère."

Le défi n’est pas des moindres. En se rendant pour la première fois à l’étranger depuis qu’il s’est assuré l’investiture républicaine pour l’élection du 6 novembre où il affrontera le président démocrate sortant Barack Obama, le mormon doit incarner l’image d’un homme d’État de dimension internationale.

Attendu à l’inauguration des Jeux olympiques de Londres, Mitt Romney pourrait profiter de l'événement pour rappeler son expérience d’organisateur JO d’hiver de Salt Lake City en 2002, qu'il était parvenu, en tant qu’investisseur, à sauver de la faillite.

Romney, l’ami d’Israël

Plus délicate, sa visite, ensuite, en Israël constituera un véritable test de ses qualités de diplomate. Il doit y rencontrer les Premiers ministres israélien, Benjamin Netanyahou, et palestinien, Salam Fayyad.

Attendu vendredi à Jérusalem, le gouverneur du Massachusetts a une carte importante à jouer. Après l’échec de Barack Obama à faire avancer le processus de paix israélo-palestinien et une tentative peu concluante de pousser Benjamin Netanyahou à geler les colonies israéliennes, Mitt Romney peut prendre l’avantage. Celui qui avait accusé Obama de tourner le dos à Israël peut se présenter comme un interlocuteur crédible aux yeux de l’État hébreu.

"La visite de Romney en Israël est, en soi, une critique implicite de la politique d’Obama. Le républicain incarne pour les Israéliens un potentiel nouveau président alors que celui qui est en place les a déçus", analyse Michael O’Hanlon, spécialiste de la politique américaine à la Brookings Institution.

Avec son soutien indéfectible à Israël et ses positions plus fermes sur le Proche-Orient, Mitt Romney pourrait être considéré comme un interlocuteur plus conciliant que Barack Obama, estiment nombre d’observateurs internationaux. D’autant qu’avec Benjamin Nethanyahou, Mitt Romney arrive en terrain conquis : les deux hommes se sont croisés en 1976 dans les bureaux de la société de conseils Boston Consulting Group, où ils ont tous deux travaillé.

Mais cette visite en Israël a également pour but de s’attirer les faveurs de l’électorat américain. Si les juifs américains votent en large majorité démocrate (à 78% lors de l’élection présidentielle de 2008), le camp républicain espère néanmoins affaiblir leur soutien à Barack Obama dans plusieurs États, dont celui, décisif, de Floride. Et par la même occasion ranger de son côté les chrétiens conservateurs pas encore acquis à sa cause. "Les évangélistes sont généralement pro-israéliens et ils soutiendront le réchauffement des relations israélo-américaines prôné par Romney", prédit John Fortier.

Mitt Romney a cependant encore beaucoup de choses à prouver. Si le candidat républicain a insisté à plusieurs reprises sur le fait que sa stratégie au Proche-Orient serait à l’opposée de celle de Barack Obama, il est temps pour lui de préciser sa pensée et de détailler sa vision – notamment en ce qui concerne le conflit en Syrie et la possible offensive israélienne en Iran.

Marquer des points en Pologne

Troisième et non moins importante étape de sa tournée, la Pologne sera une occasion en or pour le républicain de reprendre la main sur la politique étrangère. Mitt Romney doit rencontrer l’ancien président polonais et fondateur du mouvement Solidarnosc, Lech Walesa, qui avait refusé de rencontrer Barack Obama en 2011. Romney devrait y louer la croissance polonaise, preuve de l’efficacité du libre-échange prôné par les républicains, tandis que sa fermeté à l’égard de la Russie ne devrait pas être pour déplaire aux Polonais.

Mais Michael O’Hanlon avertit que "si Romney use de nouveau de la rhétorique anti-russe qu’il affectionnait il y a quelques mois, cela peut le rendre vulnérable". En mars dernier sur la chaîne d’information CNN, le candidat avait en effet qualifié la Russie "d’ennemi géopolitique numéro un" des États-Unis, provoquant les critiques acerbes de nombres d’experts politiques internationaux.

De son côté, John Fortier estime que "le plus grand risque [de la tournée internationale de Romney] reste ce moment où il pourrait faire preuve d’inexpérience, dévoilerait ses failles en matière de politique étrangère ou se retrouverait au cœur d’une polémique."

C’est chose faite. À Londres, Romney ainsi que son équipe de campagne ont trébuché… et pas qu’une fois. Ce jeudi 26 juillet, le candidat républicain à la Maison Blanche a exprimé des réserves sur l’organisation des Jeux olympiques londonien, évoquant des "histoires déconcertantes" sur la sécurité et les conditions de travail. Sans parler de la controverse qui a éclaté après la publication d’un article le 25 juillet, dans le journal britannique Daily Telegraph, qui citait sous couvert d'anonymat deux conseillers de Mitt Romney accusant Barack Obama d'ignorer "l'héritage anglo-saxon" des Etats-Unis.

Démentis par le candidat républicain, ces propos n’en ont pas moins soulevé la colère des équipes du chef de l’État américain et la surprise de la presse britannique. "Ces déclarations peuvent être comprises comme une attaque voilée contre l'appartenance raciale du premier président noir des États-Unis", remarque le Telegraph. Une affaire qui fait tâche alors que la règle tacite aux États-Unis veut que les candidats à la présidentielle n'évoquent pas des affaires de politiques intérieures dans le cadre de voyage diplomatique à l'étranger.