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La crise européenne nourrit les ambitions de l'agence de notation Egan-Jones

La petite agence de notation Egan-Jones a dégradé la note de l’Allemagne en début de semaine, après avoir été très sévère avec la France, à la mi-juin. Celle-ci entend ainsi se démarquer des trois grands acteurs du secteur.

L’agence de notation américaine Egan-Jones entend profiter de la crise de la zone euro pour essayer de démontrer qu’il n’y a pas que les sempiternelles Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch.

Cette petite concurrente du triumvirat triomphant de la notation financière vient de se distinguer en abaissant, lundi 25 juin, la note souveraine de... l’Allemagne, de AA- à A+. Elle a, en outre, assorti son verdict d’une perspective négative qui promet d’autres dégradations. Une prise de position très éloignée du solide triple A dont profite Berlin auprès des grandes agences de notation...

L'initiative d’Egan-Jones n’est pas passée inaperçue auprès des marchés financiers qui ont propulsé l’euro à son plus bas en deux mois face au dollar, lundi. Preuve que, dans le contexte incertain de la zone euro, les investisseurs ne savent plus vraiment à quel saint financier se vouer...

Le “désastre français” aussi

Egan-Jones explique son coup de ciseau par la persistance d’une dette publique élevée en Allemagne qui atteint plus de 80 % du PIB. La petite agence ajoute qu’en tant que premier bailleur de fonds des plans européens de sauvetage, l’Allemagne va voir sa dette augmenter davantage. Egan-Jones anticipe, en effet, que les pays soutenus financièrement - Irlande, Grèce, Portugal, Chypre et Espagne - ne pourront pas rembourser l’intégralité de leurs prêts.

“La situation économique de l’Allemagne est, évidement, amenée à se détériorer en même temps que celle de la zone euro”, reconnaît Pascal de Lima, économiste et enseignant à Sciences-Po contacté par FRANCE 24, qui trouve logique qu’une agence de notation “défie un peu la toute puissance économique germanique”.

Egan-Jones avait déjà dégradé la puissante Allemagne en janvier dernier. Le 15 juin, l’agence de notation avait été, en outre, particulièrement sévère avec la France de François Hollande. Elle avait, en effet, abaissé la note française de deux crans, soulignant la dérive “désastreuse” des finances et soupçonnant le nouveau pouvoir de n’être pas suffisamment rigoureux. De ce fait, Egan-Jones prédit la fin “d’une indulgence de 18 mois des marchés financiers” et un sort à l’italienne ou à l’espagnole pour la France.

Cette série de notations au scalpel et de jugements très sévères n'est pas passée inaperçue. “C’est évidement un coup médiatique pour Egan-Jones qui veut ainsi s’affirmer sur la scène de la notation financière”, souligne Pascal de Lima. En multipliant les coups d'éclats médiatiques, Egan-Jones espère que cette publicité lui apportera de nouveau clients qui paieront pour être notés.

Chevalier pas si blanc

La sévérité dans la notation a toujours été la marque de fabrique de cette agence. “Déjà, en 2008, lors de la crise des subprimes, elle critiquait les erreurs des autres agences qui n’avaient pas dégradé les notes de ces produits financiers toxiques”, explique-t-il. Elle avait également été la première à abaisser les notes d'Enron et de WorldCom, deux des plus retentissantes faillites du début du XXIe siècle aux États-Unis.

Egan-Jones - l’une des neuf agences de notation reconnues par la SEC (le gendarme de la Bourse américaine) - se présente comme une sorte de chevalier blanc de la profession. “Elle affirme donner des notes objectives alors que les trois grands acteurs du secteur seraient enclins à être indulgents avec ceux qu’ils supervisent car ce sont en même temps leurs clients”, explique Pascal de Lima. Egan-Jones n’aurait pas ce problème de conflit d’intérêts car le groupe affirme avoir suffisamment d’investisseurs extérieurs, qui ne sont pas notés par Egan-Jones, pour assurer sa pérennité financière.

“C’est peut-être une manière d’exister médiatiquement, mais ça ne tient pas la route économiquement”, juge Pascal de Lima. Une agence de notation n’existe que parce que des clients la paient pour être notés... “Si ces clients sont assurés d’être mieux traités ailleurs, ils iront ailleurs”, conclut cet économiste.

En outre, la petite concurrente aux Moody’s & Co est, depuis fin 2011, dans le collimateur de la SEC. Le gendarme de la Bourse de New York estime, après une enquête de plusieurs mois, qu’Egan-Jones lui aurait menti sur son expertise de notation afin d’être officiellement reconnue. Sean Egan, le fondateur de la société, a ainsi été accusé en avril dernier par la SEC d’avoir menti sur le nombre de notations effectuées et leur procédure.