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Pour tenter d'enrayer l'escalade de la violence en Syrie, Kofi Annan préconise la création d'un gouvernement de coalition. Une proposition soutenue par les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, dont la Chine et la Russie.

AFP - Le médiateur international Kofi Annan a proposé la mise en place en Syrie d'un gouvernement de transition afin de trouver une solution politique au conflit qui a gagné en intensité mercredi avec notamment un attentat sanglant contre une télévision officielle près de Damas, le premier du genre en 15 mois de révolte.

Les principales puissances (Russie, Chine, Etats-Unis, Royaume uni, France) soutiennent cette idée qui sera discutée au cours de la réunion du Groupe d'action sur la Syrie samedi à Genève, ont précisé mercredi soir des diplomates aux Nations unies.

L'idée de ce gouvernement de coalition, qui incluerait des partisans du président Bachar Al-Assad et des membres de l'opposition, fait partie de "lignes directrices et principes pour une transition" en Syrie que M. Annan a envoyées aux ministres des Affaires étrangères devant participer à la réunion de Genève.

S'exprimant devant la presse mercredi, l'ambassadeur russe à l'ONU Vitaly Tchourkine avait souligné que les idées que présenteraient M. Annan à Genève ne seraient pas automatiquement acceptées par les ministres. Elles "fourniront une base de discussions pour les ministres", avait-il expliqué en n'excluant pas que d'autres éléments de reflexion s'ajoutent au document de Kofi Annan.

Moscou s'oppose à la proposition de Kofi Annan

La Russie ne soutiendra pas une solution imposée de l'extérieur en Syrie, a déclaré jeudi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, appelant à l'avant-veille de la réunion de Genève à ne pas préjuger du résultat du "dialogue" à instaurer entre Syriens.

"La Russie ne peut soutenir et ne soutiendra pas une quelconque recette imposée de l'extérieur", a déclaré M. Lavrov au lendemain de la présentation par l'émissaire international pour la Syrie, Kofi Annan, d'un plan prévoyant un gouvernement de transition composé de membres du régime et de l'opposition.

Il s'agit de "favoriser le dialogue et non de préjuger des résultats de ce dialogue", a ajouté M. Lavrov lors d'une conférence de presse à Moscou, insistant sur la nécessité d'un dialogue entre Syriens.

De son côté, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, en visite à Helsinki, a indiqué avoir eu "des consultations étroites avec Kofi Annan" à propos de son document. Elle a dit avoir transmis à M. Annan "son soutien pour le plan qu'il a présenté", qu'elle a qualifié de "feuille de route très concrète pour une transition politique".

Alors que le conflit ne cesse de gagner en intensité, faisant des centaines de morts ces deux dernières semaines, la situation ressemble de plus en plus à une guerre civile avec la multiplication des violences confessionnelles, a estimé la Commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU.

Dans la matinée, dans une attaque inédite visant une chaîne de télévision officielle, trois journalistes et quatre gardiens du siège d'Al-Ikhbariya près de Damas ont été tués et "d'autres personnes enlevées par (des) terroristes", selon l'agence officielle Sana.

"Les groupes terroristes armés ont (...) déposé des charges explosives dans des locaux et incendié d'autres. Ils ont tué des journalistes en tirant sur eux", a affirmé le ministère de l'Information.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a parlé d'"une attaque aux obus" contre Al-Ikhbariya qui a continué à diffuser ses programmes.

Les médias en Syrie sont officiels ou proches du régime et, comme ce dernier, ne reconnaissent pas l'ampleur de la contestation assimilée à du "terrorisme".

Les Etats-Unis ont dénoncé cette attaque, en soulignant "condamner tous les actes de violence, y compris ceux qui ciblent des éléments du régime".

Reporters sans frontières et Amnesty International ont également souligné séparément que les médias ne devaient pas être pris pour cibles même s'ils s'agissaient d'instruments de propagande.

"GÉNOCIDE" À DEIR EZZOR

Les rebelles, qui mènent des offensives de plus en plus audacieuses contre l'armée, ont lancé une attaque près d'un aéroport militaire à Alep (nord), selon l'OSDH.

L'armée, elle, continue de bombarder intensément les fiefs insurgés, selon les militants.

Le Conseil national syrien, principal rassemblement de l'opposition, a dénoncé de son côté un "génocide" à Deir Ezzor (est), touchant aussi les enfants, et a appelé à une action urgente de la communauté internationale pour aider les civils piégés par les bombardements.

Il a souligné que les pilonnages de la ville avaient fait "des centaines de morts et de blessés" et des milliers de déplacés.

Au moins 82 personnes dont 31 soldats ont péri mercredi dans les violences, selon l'OSDH. Plus de 15.800 personnes, en majorité des civils, ont été tuées en plus de 15 mois, les dernières semaines enregistrant les bilans les plus lourds du conflit, selon l'ONG.

Se targuant du soutien d'une partie de la population, M. Assad a estimé mardi que le pays était dans "une véritable situation de guerre".

De son côté, la Commission d'enquête internationale indépendante souligne que "dans certaines régions, les combats ont les caractéristiques d'un conflit armé non international".

Le rapport, qui fait état de "flagrantes violations des droits de l'Homme", souligne que le régime recourt aux "hélicoptères de combat et à l'artillerie dans le bombardement de quartiers entiers".

Une solution politique est réalisable en Syrie et la mission de l'UNSMIS indispensable, a néanmoins estimé le général Robert Mood, chef des observateurs de l'ONU en Syrie dont les activités sont suspendues depuis le 16 juin en raison de la poursuite des violences.

L'IRAN, NON CONVIÉ

Des invitations à la réunion de Genève ont été également adressées à la Turquie et à l'Union européenne, de même qu'au Qatar, au Koweït et à l'Irak au titre de leur rôle au sein de la Ligue arabe.

En revanche, l'Iran, proche allié de Damas, n'a pas été invité alors que Moscou demandait sa participation. Washington avait dénoncé le rôle "non constructif" de Téhéran dans cette crise.

Mais M. Annan "rendra compte" à l'Iran des résultats de la réunion afin de s'assurer que Téhéran "reste impliqué" dans la recherche d'une solution en Syrie, a précisé un porte-parole.

Le groupe d'action sur la Syrie débattra des moyens d'"assurer l'application complète du plan en six points" de M. Annan, dont l'arrêt immédiat de la violence.

Cette question sera aussi au menu des entretiens entre la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton et son homologue russe Sergueï Lavrov vendredi à Saint-Pétersbourg.

Enfin, la Turquie, malgré son ton menaçant ces derniers jours contre Damas qui a abattu l'un de ses avions de combat, a affirmé qu'elle n'avait pas l'intention d'attaquer son voisin, tout en promettant de répondre "de la manière la plus forte" à tout nouvel "acte hostile".