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En cette dernière journée de vote du second tour de la présidentielle, les Égyptiens devront départager Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans et Ahmed Chafiq, ancien membre du régime Moubarak. Un choix qui indispose de nombreux électeurs.

"Nous sommes entre le marteau et l’enclume," lançait un électeur égyptien à la veille du premier scrutin démocratique organisé dans son pays, illustrant le choix, souvent difficile, auquel se trouve confrontée la population.

Plus d’un an après la chute de l’ex-raïs, 50 millions d’Égyptiens sont appelés à désigner le successeur d’Hosni Moubarak, les 16 et 17 juin, lors du second tour de l’élection présidentielle. Les têtes d’affiche sont d’un côté, Mohammed Morsi, candidat des Frères musulmans ; de l’autre, Ahmed Chafiq, issu du système militaire et dernier Premier ministre de l’ère Moubarak. Un choix par défaut pour beaucoup d’électeurs ayant participé à la révolution.

Des élections qui polarisent la société

Selon Sonia Dridi, ces élections qui polarisent la société mobilisent les électeurs, et notamment les femmes de toute génération. Pour certaines, dont la voix ira au candidat Chafiq, la priorité de ce scrutin est de favoriser le retour à la stabilité dans le pays, et de séparer le politique du religieux.

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"Les partis s'accusent mutuellement de fraude"
Les électeurs égyptiens face au dilemme du second tour de la présidentielle

"Une jeune copte m’a dit qu’elle en avait marre du chaos qui régnait en Égypte depuis la révolution, qu’elle n’osait même plus sortir seule le soir dans la rue," rapporte Sonia Dridi. D’autres ne veulent pas d’un "feloul" - comprendre membre de l’ancien régime - et voteront donc pour le candidat islamiste. "La course est très serrée, et il y a aussi de nombreux indécis," précise la correspondante de FRANCE 24.

Afin d’assurer la bonne tenue du scrutin, quelque 150 000 militaires et policiers ont été déployés car le pays reste sous haute tension même si aucun accroc majeur n’a été signalé samedi.

La dissolution du Parlement crée le chaos

D’autant que quelques heures avant la fermeture des bureaux de vote samedi, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir, a formellement dissous le Parlement, validant une décision de la Haute Cour constitutionnelle, annoncée jeudi 14 juin, et qualifiée de "coup d'État" par les islamistes.

"Les menaces constantes de dissoudre le Parlement élu par 30 millions d'Égyptiens et d'Égyptiennes confirment la volonté du Conseil militaire de s'emparer de tous les pouvoirs", a réagi le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), issu de la puissante confrérie islamiste. Le PLJ exige que cette décision fasse l'objet d'un "référendum libre

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"On peut s'attendre à des tensions dans les prochains jours"
Les électeurs égyptiens face au dilemme du second tour de la présidentielle

et transparent parce que la volonté du peuple ne peut être annulée que par la volonté du peuple".

Les détracteurs de l'armée l'accusent d'avoir orchestré la décision de la Haute Cour constitutionnelle d'invalider pour un vice dans la loi électorale les résultats des élections législatives remportées par les Frères musulmans.

"Le premier président de l’Égypte post-Moubarak va être élu dans un pays sans Parlement et sans Constitution, explique Sonia Dridi, certains craignent un président aux pouvoirs presque dictatoriaux, d’autres que ce soit une simple marionnette dans les mains de l’armée qui dirige le pays."

Ce jugement, à l’avant-veille du second tour, a également permis à M. Chafiq de rester dans la course en dépit d'une loi interdisant aux figures de l'ancien régime de se présenter. Sur le qui-vive, les islamistes, par la voix de Mohamed Morsi, ont promis qu’à la moindre fraude, ils mettront "le feu à la rue".

Appel au boycott

Ce nouveau rebondissement a entraîné une vague de boycott. Selon certains activistes issus de la mouvance révolutionnaire, le vote devrait être reporté jusqu’à la rédaction d’une nouvelle constitution qui définira précisément les pouvoirs du futur président.
"Les activistes sont nombreux à boycotter le scrutin qu’ils qualifient de farce électorale", estime Sonia Dridi, correspondante de FRANCE 24.

Selon le président de la commission électorale, le taux de participation samedi soir était plus faible qu’attendu. Si les chiffres n’ont pas été officiellement annoncés, ils avoisineraient les 45 %, comme au premier tour.

Les bureaux de vote, qui ont fermé leurs portes samedi soir à 21 heures, ont rouvert à 6 heures dimanche matin. Des résultats officieux pourraient être annoncés dimanche soir.