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Des dizaines de milliers d'opposants ont choisi de braver les pressions du Kremlin et de défiler ce mardi contre Vladimir Poutine dans les rues de Moscou. Plus de 12 000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés.

AFP - Plus de 10.000 opposants manifestaient mardi au centre de Moscou contre le président Vladimir Poutine, bravant le durcissement du pouvoir marqué la veille par des perquisitions sans précédent visant les leaders du mouvement.
              

Des sites web de l'opposition inaccessibles

Plusieurs sites web proches de l'opposition russe étaient inaccessibles mardi matin, apparemment victimes d'une attaque en règle. Le site de la radio Echo de Moscou, du journal Novaya Gazeta et de la télévision Dojd étaient notamment bloqués.

Sur sa page Facebook, TV Dojd a indiqué être victime d'une attaque DDos, attaque par déni de service qui consiste à submerger les serveurs de demandes pour en bloquer le fonctionnement.

Novaya Gazeta et Echo de Moscou avaient rendu compte en détail la veille d'une série de perquisitions sans précédent visant les leaders de l'opposition.

TV Dojd a l'habitude de diffuser en direct des images des grandes manifestations contre le président Vladimir Poutine.

Les cyberattaques contre des sites critiques du Kremlin et des blogs d'opposants sont fréquentes en Russie. (AFP)

Entre 10.000 et 20.000 personnes, selon les estimations respectives de la police et des organisateurs, ont commencé à la mi-journée leur défilé place Pouchkine, pour rejoindre à travers le centre-ville l'avenue Sakharov.

Cette manifestation a été autorisée par les autorités de Moscou pour 50.000 personnes au maximum, et strictement jusqu'à 18H00 (14H00 GMT).

Plus de 12.000 membres des forces de l'ordre -- policiers, unités anti-émeutes et troupes du ministère de l'Intérieur -- sont mobilisés dans la capitale, où se déroulent également des festivités, le 12 juin étant férié, jour de la fête nationale russe.

De nombreux policiers et camions des forces de l'ordre étaient déployés dans le centre-ville, où plusieurs rues étaient complètement fermées à la circulation, avec notamment des camions-bennes des services municipaux disposés en travers des artères, a constaté l'AFP.

Cette grande manifestation est la première depuis l'investiture le 7 mai au Kremlin de Vladimir Poutine pour un troisième mandat de président après ceux de 2000-2008 et un intermède de quatre ans comme Premier ministre.

Elle intervient dans un contexte tendu, après des mesures interprétées par les observateurs comme un signe de durcissement du régime après cinq mois d'une contestation sans précédent depuis une décennie.

Plusieurs sites d'opposition, comme celui de la radio Echo de Moscou, de la télévision satellite Dojd et du journal Novaïa Gazeta, étaient inaccessibles mardi. Dojd a indiqué être victime d'une attaque pirate, comme cela a été le cas régulièrement lors d'élections ou de manifestations d'opposition.

Une dizaine de perquisitions ont été effectuées lundi au domicile de leaders de l'opposition, notamment le blogueur anti-corruption Alexeï Navalny, le dirigeant du Front de gauche Sergueï Oudaltsov et le leader du mouvement Solidarnost Ilia Iachine.

Le comité d'enquête a motivé ces opérations par une enquête en cours sur des "troubles massifs à l'ordre public" lors de la manifestation du 6 mai à Moscou, la veille de l'investiture M. Poutine. Des heurts avaient fait plusieurs blessés parmi les participants et les policiers.

Les leaders de l'opposition visés par les perquisitions étaient convoqués mardi à 11H00 (07H00 GMT) pour être interrogés par les enquêteurs, une mesure qu'ils considèrent comme destinée à les dissuader de participer à la manifestation.

Sergueï Oudaltsov se trouvait cependant dans la manifestation.

"J'estime que je dois être ici aujourd'hui. Les enquêteurs peuvent m'interroger à n'importe quel autre moment", a déclaré, cité par Itar-Tass, ce leader d'extrême-gauche qui a déjà fait plusieurs séjours en prison pour "refus d'obtempérer", et a multiplié les grèves de la faim.

Son avocate a indiqué que les enquêteurs avaient refusé sa requête d'un report de la convocation, selon Echo de Moscou.
              

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Les risques encourus PAR LES MANIFESTANTS NE FREINE PAS LA MOBILISATION

Le Parlement a en outre adopté la semaine dernière en urgence une loi controversée qui renforce considérablement, en les portant à plusieurs milliers d'euros, les amendes infligées à ceux qui enfreignent la loi sur les manifestations. Vladimir Poutine a signé la loi vendredi, ignorant l'appel lancé par son propre conseiller aux droits de l'Homme pour qu'il y mette son veto.

Le département d'Etat américain s'est dit lundi "préoccupé" par les perquisitions qui "ressemblent fort à du harcèlement visant des figures de l'opposition russe".

Boris Nemtsov, un ancien vice-Premier ministre du président Boris Eltsine, également leader d'opposition, a estimé que le régime russe prenait exemple sur le président autoritaire du Bélarus, Alexandre Loukachenko.

"Poutine répète ce que Loukachenko a commencé à faire il y a de nombreuses années", a-t-il déclaré à l'antenne de la radio Echo de Moscou.

A l'heure de la manifestation mardi, la télévision publique russe retransmettait en direct une cérémonie en grande pompe au Kremlin, où le président Vladimir Poutine remettait des décorations à des personnalités, devant l'ensemble de l'élite politique.

Les premières grandes manifestations de l'opposition, sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine il y a 12 ans, ont commencé en décembre dernier, après la victoire du parti de l'ex-agent du KGB aux législatives au cours desquelles l'opposition avait dénoncé des fraudes massives.