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L'échec annoncé de François Bayrou

Après le premier tour des législatives, le leader centriste François Bayrou se retrouve confronté à une triangulaire délicate. Au-delà de son siège de député, c’est l’avenir de son parti, le Mouvement démocrate (MoDem) qui est en jeu.

Au lendemain du premier tour des législatives, François Bayrou se retrouve face au pire des scénarios. Le président du Mouvement Démocrate arrive en deuxième position dans la 2e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, avec 23,63 % des suffrages, loin derrière la candidate socialiste Nathalie Chabanne qui remporte elle 34,90 % des voix. Il devance de peu Eric Saubatte de l’UMP qui récolte 21,7 % des votes.

L’UMP a décidé de maintenir son candidat dans cette circonscription, contrairement au scrutin de 2007. Le leader centriste est donc confronté à un opposant de gauche et à un opposant de droite : par conséquent, son avenir à l’Assemblée nationale semble très compromis.

"Les résultats de ce premier tour sont difficiles et annoncent un deuxième tour particulièrement ardu", a reconnu dimanche soir François Bayrou. Pour Frédéric Dabi, politiologue, directeur du pôle opinion de l’Institut français d’opinion publique (IFOP), interrogé par FRANCE 24, François Bayrou devait, pour avoir une chance de sauver son siège de député, soit être en tête, ou face à un candidat du PS, ce qui lui aurait permis, comme par le passé, de récolter les voix de la droite. De fait, le second tour des législatives "s’annonce pour lui singulièrement compliqué".

Le prix à payer pour avoir voté Hollande

S’exprimant peu après l’annonce des premiers résultats dimanche soir dans sa circonscription de Pau, François Bayrou a immédiatement voulu tirer les leçons de son score.

"Les raisons de ce résultat sont très claires", a-t-il estimé. "Une partie importante de mon électorat traditionnel n'a pas compris, pas accepté, ma décision de voter François Hollande au deuxième tour de la présidentielle (...) et les électeurs socialistes ont eux considéré que ce choix ne changeait rien", a-t-il résumé, en constatant "combien il était difficile de tendre la main". En effet, sans donner de consigne de vote officiel, le président du MoDem avait toutefois dévoilé son choix pour le second tour de la présidentielle du 6 mai dernier.

Pour Michèle Cotta, éditorialiste à FRANCE 24, le député béarnais voit juste. Selon elle, "le centre-droit n’a pas compris son choix personnel, même si lui se justifie par les différents discours où Nicolas Sarkozy a frôlé l’ouverture vers le Front National".

"François Bayrou paye là le prix de son choix", estime Michèle Cotta. "En choisissant Hollande, il n’a pas craint précisément de mécontenter ses troupes, or il a fait ce choix en toute connaissance de cause", conclut-elle.

La difficile position du centre dans un paysage politique bipolaire

Les mauvais scores de celui qui lors de la présidentielle de 2007 tenait pourtant le rôle du troisième homme montrent pour Michèle Cotta que l’existence du centre entre la gauche et la droite est terriblement difficile sous la Vème république.

Être au centre est en effet une position périlleuse à tenir quand, comme François Bayrou, on s’est historiquement opposé à la bipolarisation de la vie politique. "Soit on se situe trop au centre-droit et là on existe plus par rapport à la droite, l’UMP", analyse l’éditorialiste politique. "Soit on est trop au centre-gauche et on risque d’être broyé par ses propres troupes", poursuit-elle, résumant avec fatalisme la situation de Bayrou.

Ainsi, au-delà de l’avenir du député sortant à l’Assemblée, c’est également celui du MoDem qui est en jeu. "Il joue son avenir politique et celui du MoDem dans cette triangulaire", estime Frédéric Dabi. Après avoir essuyé plusieurs échecs depuis 2007, le parti de François Bayrou fait face à des divisions entre les partisans d'une alliance avec la majorité PS, et ceux qui voudraient participer à un groupe centriste avec les frères ennemis du centre droit.

"Il est évident que la stratégie de centre indépendant est allée à son terme et qu'il faut la repenser", a ainsi estimé le sénateur MoDem Jean-Marie Vanlerenberghe. "Les socialistes ont fermé la porte donc il faut que nous retrouvions nos alliés naturels, ceux qui à droite ont un esprit d'ouverture", a-t-il jugé.

Le secrétaire général adjoint du parti Christophe Madrolle fait le même constat d’échec, mais n'en tire cependant pas la même conclusion. "L'autonomie d'une formation centriste est aujourd'hui impossible en France avec un système électoral qui pousse à la bipolarisation. Je pense en conséquence que le MoDem doit s'inscrire dans une démarche contractuelle et vigilante avec la nouvelle majorité présidentielle", dit-il.

Le MoDem qui présentait 400 candidats sous le label "Le centre pour la France" n’est crédité par les sondages que de 1,5 % des suffrages contre 7,61 % en 2007. Et sur les trois députés sortants  du MoDem, outre François Bayrou, Jean Lassalle est en ballottage défavorable contre le PS et le député de Mayotte, Abdoulatifou Aly, a été éliminé au premier tour avec seulement 0,82 %.

Pour l’heure, François Bayrou refuse de s’avouer vaincu et n’a de cesse de poursuivre son combat contre la bipolarisation de la vie politique. Il a ainsi appelé ses électeurs à ne pas réduire la vie politique à une "confrontation" entre ces deux formations et à se prononcer "en conscience", pour qu’il y ait à l’Assemblée "des voix libres".

Toujours est-il qu’un échec aux législatives affaiblirait considérablement la position du président du MoDem, qui perdrait non seulement une tribune mais également la légitimité que confère le suffrage national à celui qui risque de ne plus être que conseiller municipal de Pau.