L'Espagne, qui refuse toujours un sauvetage sur le modèle grec, irlandais ou portugais mais qui ne parvient plus à lever des fonds sur les marchés, a demandé à l'UE de la soutenir financièrement en participant à la recapitalisation de ses banques.
AFP - L'Espagne a lancé mardi un appel à l'aide à l'Europe, lui demandant de la "soutenir" via un mécanisme pour recapitaliser ses banques, alors que la tension actuelle lui ferme l'accès aux marchés financiers et la place "dans une situation d'extrême difficulté".
Depuis la demande d'aide publique historique de 23,5 milliards formulée en mai par Bankia, troisième banque du pays par actifs, l'Espagne est au coeur des inquiétudes des marchés, les investisseurs craignant qu'elle ne puisse assumer seule ses obligations financières et doive demander une aide extérieure.
Mais ce ne sera pas le cas, veut croire Madrid, qui refuse jusqu'à présent un sauvetage à l'image de ce qui a été fait pour le Portugal, l'Irlande ou la Grèce. L'Espagne ne peut "techniquement pas faire l'objet d'un sauvetage" en raison de sa taille importante, a ainsi affirmé le ministre du Budget Cristobal Montoro.
Le pays est la quatrième économie de la zone euro, dont il représente 12% du PIB total, contre seulement 6% pour l'Irlande, le Portugal et la Grèce réunis. Les plans de sauvetage de ces trois pays ont coûté respectivement 85 milliards, 78 milliards et 292 milliards d'euros... ce qui laisse augurer d'un coût encore plus élevé pour Madrid.
M. Montoro a reconnu l'importance des turbulences actuelles: "ce qu'indique la prime de risque (surcoût que l'Espagne paie pour emprunter par rapport à l'Allemagne, ndlr) c'est que la porte des marchés n'est pas ouverte à l'Espagne".
Le problème "le plus urgent" du pays est "un problème de financement, de liquidité et de maintien de la dette publique", a aussi admis le chef du gouvernement Mariano Rajoy devant le Sénat, ajoutant que "l'Espagne est dans une situation d'extrême difficulté".
Des déclarations inquiétantes à deux jours d'une émission obligataire très attendue, où Madrid espère lever un à deux milliards d'euros, sur l'échéance symbolique des dix ans notamment.
"J'insiste, pour faire ce que nous sommes en train de faire en Espagne, l'équilibre budgétaire, revenir à la stabilité budgétaire à travers la réforme de la Constitution, assainir le secteur bancaire, améliorer les relations de travail, nous n'avons pas besoin" d'une aide extérieure, a dit M. Montoro.
"L'Espagne n'a pas besoin de ça, elle a besoin de davantage d'Europe, de mécanismes permettant l'intégration européenne", a-t-il jugé.
"L'Europe doit dire où elle va, pour se donner de l'unité, elle doit dire que l'euro est un projet irréversible, qui n'est pas en péril, elle doit soutenir les pays en difficulté", a renchéri Mariano Rajoy.
"Selon moi, elle a besoin d'une intégration fiscale, avec une autorité budgétaire, et une intégration bancaire, une union bancaire avec des eurobons, un superviseur bancaire et un fonds de garantie des dépôts européen", a-t-il ajouté: "c'est ce que je défends devant le Conseil européen".
Madrid milite pour que le fonds de secours européen, le futur MES, soit autorisé à recapitaliser directement ses banques: cette aide ponctuelle serait ainsi bien éloignée d'un plan de sauvetage, qui place lui le pays sous tutelle d'institutions internationales.
Pour voir ce projet aboutir, l'Espagne est prête à céder plus de "souveraineté, particulièrement dans le domaine budgétaire", avait indiqué samedi M. Rajoy, plaidant pour une "autorité budgétaire européenne" qui mènerait "un contrôle centralisé des finances".
Et quant aux besoins des banques espagnoles, estimés par les analystes entre 60 et 200 milliards, le ministre du Budget a assuré mardi que le chiffre ne serait "pas très élevé".
Le calcul du montant "dépendra du résultat de l'examen actuellement mené par les agences extérieures et objectives, et aussi du FMI, que nous aurons bientôt".
Le FMI rendra son rapport le 11 juin. Environ une semaine plus tard les cabinets de consultants Roland Berger et Oliver Wyman dévoileront leur propre audit.
Ce dernier consiste en "une évaluation générale des bilans bancaires en Espagne et leur capacité de résistance" à des chocs économiques, avec des résultats attendus "dans la seconde quinzaine de juin" selon la Banque d'Espagne.
Une deuxième étude, menée par Deloitte, KPMG, PwC et Ernst&Young, chiffrera les besoins du secteur, affaibli par son exposition à l'immobilier, et rendra ses résultats dans les prochains mois.