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EXCLUSIF - Au Soudan, avec la rébellion oubliée du Nil bleu

Depuis septembre, la guerre fait rage entre le Front révolutionnaire soudanais et les troupes de l’armée soudanaise dans l’État du Nil Bleu. Nos reporters, James André, Chady Chlela et Stéphanie Braquehais, vous emmènent sur le front, avec les rebelles.

Le soleil se lève à peine et notre convoi arrive, quatre pick-up Toyota remplis de combattants armés de kalachnikovs. Nous quittons le Soudan du Sud pour l’état du Nil Bleu, une province de la république du Soudan.

Après une heure de piste à travers un sous-bois nous traversons illégalement la frontière. Notre chauffeur nous demande de retirer les batteries de notre téléphone satellitaire. Si nous allumons notre téléphone l’armée soudanaise pourrait le localiser et nous bombarder. Nous serons injoignables pendant la durée du tournage.

Les hommes s’arrêtent pour camoufler le 4x4 avec de la boue. Les bombardements sont quotidiens, Khartoum utilise des Antonovs, des avions de transport russes pour larguer des bombes artisanales sur les villages et les positions rebelles. La plupart des habitants ont fui la province, les autres vivent cachés dans la brousse dans le dénuement le plus total.

Aux abords de la piste qui mène au front, les villages sont déserts, certaines maisons ont été brûlées. Les combattants rebelles utilisent ces localités comme base. Très vite nous réalisons qu’ils manquent de tout. Il y a peu de nourriture. L’un des rebelles nous apprend que les soldes n’ont pas été payées depuis le début de la guerre. Ils manquent aussi de gasoil, la plupart des combattants se déplacent à pied entre leurs bases certains portent des tongs, d’autres des baskets.

Les positions des rebelles sur la ligne de front sont constituées de grappes d’hommes qui surveillent des pistes ou des carrefours. C’est une guerre de positions avec les combats violents mais sporadiques. Les accrochages au sol sont plus rares que les bombardements.

La bête noire d’Omar el-Béchir

On nous emmène rencontrer Malik Agar, le chef du Front révolutionnaire soudanais. L’homme habite sous les arbres, dans une base secrète, l’endroit est discret, mais lourdement armé. Il n’y a aucun bâtiment en dur. Nous n’avons pas le droit de filmer ou de photographier.

Malik Agar, ancien ministre et gouverneur du Nil Bleu destitué par Khartoum, est la bête noire d’Omar el-Béchir. C’est un colosse de près de 2 mètres qui parle parfaitement anglais et arabe d’une voix calme. Sa popularité lui a permis de rallier les rebellions du Nil Bleu, du Sud Kordofan et de certaines faction du Darfour pour former une force de 45 000 hommes. Son but : renverser le gouvernement d’Omar el-Béchir qu’il considère raciste et sectaire, puis prendre le pouvoir pour instaurer un Soudan laïque et multiculturel.

Il insiste sur la situation humanitaire qui se dégrade dans la province. Nous repartons, la nuit tombe. Notre escorte s’arrête dans un des villages fantômes. On nous indique une hutte dans laquelle nous pouvons nous installer, nous dormons dehors, sur des lits de corde. La journée a été épuisante, des heures de piste défoncées, la température est montée jusqu’à 45 degrés.

On nous offre de la viande de chèvre, d’abord le foie et les tripes, puis quelques morceaux de muscle, il y a une seule chèvre pour toute l’unité, une trentaine d’hommes. Le Nil Bleu est une province qui a été volontairement oubliée par le gouvernement soudanais, il n’y pas d’eau, pas d’électricité, pas de route, et encore moins de réseau téléphonique. Rien n’a bougé depuis des millénaires.

Le lendemain nous partons dès le lever du jour. L’escorte nous mène dans ce qu’il reste de l’un des plus grands marchés du Nil Bleu. Tout est fermé à l’exception de deux magasins. Il y a encore quelques produits à vendre, ils sont importés d’Ethiopie ou du Soudan du Sud. Le village est parsemé de cratères d’explosion, l’hôpital est en ruines soufflé par une bombe de l’aviation soudanaise.

Nous poursuivons notre chemin pour rencontrer les habitants qui ont choisi de rester cachés dans la brousse. Ils n’ont rien, pas d’eau, pas de nourriture, certains vivent dans les grottes. La saison des pluies approche, les averses vont se succéder jusqu'à transformer le sol en bourbier. Dans certains endroits, il y aura jusqu’à 50 centimètres de gadoue. Aucun véhicule ne pourra passer, la région sera paralysée et la situation déjà difficile des déplacés du Nil Bleu va devenir impossible.