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Grâce aux mots-clés #iciLondres et #RadioLondres, les internautes se sont moqués sur Twitter de l’interdiction d’évoquer les estimations du premier tour de la présidentielle dimanche avant 20 heures. Un humour très corrosif.
"#iciLondres, les internautes parlent au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et à la Commission des sondages". Si la référence est lourde de sens, le message est limpide. Face à l’interdiction de divulguer, même sur les réseaux sociaux, les estimations du premier tour de la présidentielle française, Twitter est entré en résistance. Ses armes : deux hashtags (mots-clés) - #radioLondres et #iciLondres - et une bonne dose d’humour.
Le but de ces cyber-résistants est de contourner l’article 11 de la loi électorale française n°77-808 qui interdit la divulgation des résultats avant 20h. Une loi qu'ils jugent ridicule d'autant que plusieurs médias étrangers, à l’instar de la radio télévision belge RTBF, ont publié peu après 17h les premières estimations. Pour tourner en ridicule cette interdiction légale, les utilisateurs français de Twitter ont donc massivement eu recours à des messages codés sur le modèle de ceux diffusés pendant la Seconde Guerre mondiale par le général de Gaulle depuis Londres. Cette déferlante d’humour a ainsi propulsé dimanche soir pendant plusieurs heures, #radiolondres et #icilondres parmi les mots-clés les plus populaires sur Twitter avec plus de 25 gazouillis par seconde.
Autant de messages codés dont le sens n'était pas très difficile à comprendre : “Dans les Dom-Tom, le flan est plus cher que la Rolex, #radiolondres”, écrit ainsi à 14 heures Benoît Raphaël, co-fondateur du site Le Post et de la plate-forme participative du Nouvel Obs, Le Plus, en référence aux estimations qui commencent à tomber des départements et territoires d’outre-mer. Peu après la publication des premières estimations sur des sites suisses et belges, le journaliste du Point, Guillaume Grallet, lâche sur Twitter : “La présidentielle? Suivez plutôt le match "Pays-Bas-Hongrie" sur Twitter ! #RadioLondres”.
Enquête ouverte
L’inventivité des internautes pour désigner les candidats sans les nommer va de la
itréférence géographique aux métaphores culinaires sans oublier les allusions au physique. “#RadioLondres via Tribune de Genève y'a des fuites à l'Intérieur, météo : 29°Amsterdam, 25° Budapest, 17° Vichy, 12° Moscou, 10° au Centre”, écrit Thierry Lorho, un ingénieur en intelligence artificielle. “Quand on pense que le Flanby coûte en ce moment deux euros de plus que le Goulash, on se dit que l'économie va dans le bon sens”, renchérit peu après Christophe Ginisty, le directeur adjoint pour l’Europe de l’agence de communication Edelman. Ce professionnel de la formule qui fait mouche suggère ensuite “Carla Sarkozy serait sur le point de modifier son statut Facebook de ‘Mariée’ en ‘C'est compliqué’”.
Mais la créativité de ce Twitter entré en cyber-résistance bat son plein lorsqu’il s’agit de critiquer l’intransigeance du CSA et de la Commission des sondages. “Si vous constatez une diffusion illégale de résultats : formez le 27 25 16 14 10 [les premières estimations du premier tour, NDLR]. #iciLondres“, se moque @13lignes. “Le CSA tente de dissuader Chuck Norris [qui symbolise l’absurde sur l’Internet, NDLR] de publier les résultats de 2017 avant 20h ce soir”, ironisent de son côté les deux graphistes derrière le compte Twitter @MarieJulien. Pour sa part, l’économiste Karl Hosse raille, dès 14h dimanche, la menace d’amendes que la Commission des sondages fait peser sur ceux qui évoqueraient des estimations avant 20h : “Annonce officielle de la Commission des sondages: à ce rythme, nous aurons remboursé la dette de la France vers 16h. #iciLondres”.
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À défaut de poursuivre la “twittosphère” tout entière, le parquet de Paris a ouvert, dès dimanche soir, une enquête visant plusieurs médias accusés d’avoir divulgué les résultats avant l’heure. Outre certains sites belges, suisses, et néo-zélandais notament, l’Agence France Presse est également visée par cette procédure. La Commission des sondages a, en outre, préconisé qu’au second tour, tous les bureaux de vote ferment à 20h au lieu de 18h0 pour la plupart. Elle espère ainsi mettre un terme à la publication dès 18h des sondages de sortie des urnes.