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Intellectuels, chanteurs, acteurs, sportifs veulent changer le monde, aller plus vite que les diplomates pour imposer la paix. Leur principal atout, c’est leur notoriété qu’ils mettent au service d’une cause. Et ça marche. C’est le cas de Bernard-Henri Lévy dans la guerre en Libye. Alors à quoi servent les diplomates s’il suffit d’un people pour régler les conflits ? Le journal de l’Intelligence Economique d’Ali Laïdi a enquêté sur ces nouveaux acteurs diplomatiques.

Libye, avril 2011. Un mois déjà que l’OTAN bombarde les troupes de Mouammar Kadhafi. L’écrivain Bernard-Henri Lévy se rend à Bengazi pour célébrer l’intervention lancée par l’axe franco-britannique et apporter son soutien aux rebelles.

BHL en est persuadé, c’est lui qui est à l’origine des frappes de l’OTAN. Sans ses coups de fils discrets au Président français, jamais Nicolas Sarkozy n’aurait reçu l’opposition libyenne regroupée au sein du CNT, le Conseil National de Transition. Mais comment un écrivain, star des plateaux télévisés, a-t-il pu mener une diplomatie parallèle ? " Début mars, lorsque je propose à Nicolas Sarkozy de recevoir les gens du CNT ou de le reconnaître, j'ai le sentiment, à tort ou à raison qu'il faut que le moins de gens possible soit dans le secret. Voilà. Et partenaires européens et diplomates et ministres français. Parce que j'ai le souvenir du rôle des uns sur la Bosnie, du rôle des autres sur le Rwanda, de la façon dont les partenaires, dont l'Europe a peiné à fabriquer une politique commune sur ces grandes affaires-là et je me dis que si on veut sauver Benghazi, c'est un choix, c’est un pari, c'est Sarkozy ou personne. "

Ce sera donc Sarkozy. En septembre dernier, BHL accompagne même le Président et le premier ministre britannique David Cameron en visite officielle à Benghazi.

Comme BHL, de plus en plus de " people " défendent les dominés. Et ils prétendent le faire aussi bien, voire mieux que les diplomates officiels. Car ils vont sur le terrain. Ce sont Wycleef Jean, Shakira ou Sean Penn à Haïti après le tremblement de terre. L’acteur encore que l’on retrouve en Libye, venu soutenir les insurgés. Et c’est aussi Angelina Jolie dans les camps de réfugiés d’Irak ou de Somalie. Ici les caméras comptent autant que les droits de l’Homme. Les people ont remplacé les câbles diplomatiques !

George Clooney lui, interpelle les puissants de ce monde sur le Darfour. En 2008, il partage la tribune avec Barack Obama. Deux ans auparavant, il exhorte le Conseil de Sécurité des Nations Unies d’intervenir au Soudan.

Pour Violaine Roussel, professeur de sociologie à l’Université Paris 8 et auteur de l’ouvrage " Art vs. War " (Presses de Sciences Po), " le point commun qu’ont tous ces individus malgré leur diversité, c’est de posséder des ressources de notoriété, un capital de notoriété qui leur permet d’intervenir dans l’espace public et de porter une parole efficace, une parole qui leur ouvre les portes des univers politiques les plus élevés. "

BHL, Sean Penn, Angelina Jolie, George Clooney…tous marchent sur les traces de celui qui incarne le plus la diplomatie des célébrités, Bono. Depuis les années 1990, le chanteur de U2 écume les salons présidentiels pour rallier les plus hauts dirigeants à sa cause : la pauvreté en Afrique. Chirac, Blair, Bush, il les a tous rencontrés en tête à tête. Pour son dernier clip contre la famine dans la Corne de l’Afrique, il s’est entouré d’une vingtaine d’artistes dont le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly. " Le but de ce clip, nous explique-t-il, c'est de dire aux dirigeants de ce monde et aux Nations unies qu’en Somalie, il y a encore des gens qui meurent et qu'il est possible de changer ça, il est possible de faire quelque chose."

Faire quelque chose ? Bono y est parvenu. Grâce à lui, en 2005, le G8 effaçait la dette de 18 pays africains. La diplomatie des people, ça marche ! Mais faut-il s’en réjouir ? Ou déplorer l’inefficacité des diplomates de métier ?
 

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