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Le sort de l'ex-président tchadien examiné par la Cour internationale de justice

La Cour internationale de justice entame une série d’audiences pour déterminer si le procès de Hissène Habré se tiendra en Belgique ou au Sénégal, pays où il s'est exilé. L’ex-président tchadien est accusé de crimes contre l’humanité.

Les pressions de la Belgique sur la Cour internationale de justice (CIJ) pourraient avoir porté leurs fruits. Saisie en 2009 par Bruxelles, la CIJ a entamé ce lundi, à La Haye, l’examen d’une requête visant à contraindre le Sénégal à juger l’ancien président tchadien, Hissène Habré, que le pays accueille, ou à extrader l’homme vers la Belgique pour qu’il puisse comparaître devant la justice belge. L’ancien homme fort de N'Djamena est poursuivi pour torture et crimes contre l’humanité, pour des faits commis entre 1982 et 1990. Selon la commission Vérité tchadienne cité dans un rapport de Human Rights Watch, quelque 40 000 personnes, parmi lesquelles nombre d’opposants politiques et membres de groupes ethniques, auraient été tués ou blessés au cours de son mandat.

Un procès qui gêne les décideurs africains

L’Union africaine a certes toujours marqué sa préférence pour un procès sur le continent africain, par principe panafricain. Quitte même à envisager à un moment de renvoyer Hissène Habré dans son pays, où il a été condamné par contumace à la peine capitale, avant d’abandonner l’idée, puis de penser à un procès au Rwanda. Au final, aucun chef de l’Etat africain n’accepte d’endosser la responsabilité d’un tel procès. Ils ne voudraient pas créer un précédent qui pourrait, à l’avenir, se retourner contre eux, pointent les associations de victime.

Jusqu’au 21 mars, les représentants des États belge et sénégalais vont se succéder devant la CIJ. Après plusieurs mois de délibérations, la cour internationale rendra sa délibération. Une décision qui devrait signer l’épilogue d’une saga juridique vieille de plus de dix ans.

Dakar embarrassé

Saisie par des associations de victimes tchadiennes en 2000, la justice belge s’est déclarée compétente en 2005 pour juger Hissène Habré et avait, la même année, émis un mandat d’arrêt contre l’ancien chef d’État. Depuis 1993, la Belgique s’est conféré de très larges compétences juridiques lui permettant de se prononcer sur des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de génocide quelle que soit la nationalité de l’accusé et le lieu où les crimes ont été commis.

Et depuis 2005 en Belgique, tout est prêt pour un procès, il ne manque plus que l’accusé. "Les victimes qui accusent [Hissène Habré] de crimes méritent qu'il soit traduit en justice", a déclaré ce lundi Paul Rietjens, directeur général des Affaires juridiques au ministère belge des Affaires étrangères, lors de la première audience à La Haye, où siège la CIJ.

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L'ENTRETIEN

Mais le Sénégal, où Hissène Habré s’est réfugié en 1990 après avoir été renversé par Idriss Déby Itno, n’a répondu à aucune des quatre demandes d’extraditions formulées par Bruxelles (la dernière date du 18 janvier 2012).

Sous la pression de l’Union africaine, le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, protecteur de cet hôte embarrassant, avait promis en 2006, de traduire l’ex-président tchadien devant la justice sénégalaise. Mais jamais, au cours des trois ans qui ont suivi, Hissène Habré n’a pas été inquiété. En 2009, Bruxelles décide alors de saisir la Cour internationale de justice.

"Je veux m'en débarrasser"

En décembre 2010, le président sénégalais admettait que le dossier Habré devenait encombrant. "Franchement, je regrette d'avoir accepté [de juger Hissène Habré]. Parce que je n'ai pas obtenu le minimum de soutien que je cherchais. Actuellement, je veux que l'Union africaine reprenne son dossier. (…) Je veux m’en débarrasser, point final", déclarait Abdoulaye Wade sur FRANCE 24.

En janvier 2012, Wade a finalement affirmé qu'il s'était résolu à extrader Habré vers la Belgique. Sur FRANCE 24, il expliquait n'attendre que l’accord de la cour d’appel de Dakar. Le 11 janvier dernier, la décision de la cour tombe : Hissène Habré ne sera pas extradé en raison de vices de forme dans le dossier présenté par la Belgique.

Face à la Cour internationale de justice, le Sénégal devrait peiner à justifier ses années de tergiversations sur le sort de l’ancien président tchadien. Stéphanie Maupas, correspondante de FRANCE 24 à La Haye le confirme : "Le Sénégal n’a désormais plus beaucoup d’arguments pour refuser d’extrader Habré".