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La reconstruction de Gaza nécessite la levée du blocus, selon les ONG

Envoyé spécial à Gaza. – Las de ne pouvoir compter que sur du provisoire, les ONG œuvrant à la reconstruction de Gaza demandent la réouverture des points de passage. Reportage auprès d'une association française qui milite pour la levée du blocus israélien.

Les nuages laissent finalement passer quelques rayons. Ils éclairent d’une lumière crue l’ampleur des destructions. Près d’un mois et demi après la guerre, la bande de Gaza est toujours à terre.


Routes défoncées, immeubles éventrés, des quartiers entiers ont été dévastés par l’offensive israélienne du mois de janvier. Les dégâts humains ont aussi été lourds : plus de 1 300 morts dans le territoire palestinien.


Dans le quartier d’Al Atatra, notamment, dans le nord de l’enclave palestinienne, tout n’est désormais que débris, poussière et désolation. Dans cette zone civile et rurale, surgies des décombres, des toiles de tente, battues par les vents et détrempées par la pluie, servent à présent d’abris de fortune à de nombreuses familles qui ont tout perdu. Sauf peut-être leur orgueil.


Il n’est pas rare en effet d’apercevoir un drapeau palestinien flotter sur les ruines d’habitations. L’honneur paraît intact, mais à Gaza, l’honneur ne suffit plus. Il est maintenant urgent de reconstruire.


Et justement, dans la cour de l’école Moawiya d’Al Atatra, une vingtaine d’ouvriers palestiniens sont à pied d’œuvre. "Ces hommes sont en train de poser le plancher d’une nouvelle classe, ils viennent juste d’en finir une", indique Yves Lallinec, qui surpervise pour le compte d’une ONG française, la Chaîne de l’espoir, la construction d’une nouvelle école en préfabriqué. Bombardée au plus fort du conflit, l’une des ailes du bâtiment en dur est hors d’usage. "Au moins six classes ont été détruites sur trois étages, poursuit Yves Lallinec. Les enfants de ce quartier sont privés d’école depuis plus de deux mois."


Tour de force exceptionnel dans un contexte d’embargo sur la bande de Gaza, Yves Lallinec, avec l’aide de ses associés de Dubaï Care et plusieurs techniciens turcs, a réussi à faire entrer plusieurs camions de marchandises. Des matériaux de construction en préfabriqué et près de 50 000 kits scolaires et d’hygiène à destination des enfants de la bande de Gaza. L’homme, un vrai routard des missions d’urgence et de coopération en zone de conflit, est plutôt fier de la performance: "On a attendu trois semaines au terminal de Keren Shalom - au sud de Gaza - avant de voir les marchandises, le temps que les Israéliens contrôlent tout le stock. Nous sommes assez contents de notre coup parce que c’est très difficile de faire entrer des matériaux sur le territoire. Je pense que c’est la première école en reconstruction dans la bande de Gaza."


"La réouverture des points de passage, c’est le minimum"


A ses côtés, Rami Abu Jamus, les yeux brillants, approuve. Ce jeune homme assure l’interface et la mise en œuvre de ce projet entre les parties palestinienne et française. "Quand j’ai compris que les marchandises allaient enfin entrer à Gaza, j’ai immédiatement pensé aux enfants, sourit Rami. J’étais très heureux. Je me suis dit que la reconstruction était possible. Pour moi, c’est une porte de l’espoir qui s’est ouverte."


Avec ces classes en préfabriqué au moins 500 élèves du quartier d’Al Atatra vont pouvoir retrouver les bancs de l’école. Cependant, pour reconstruire Gaza, et notamment son tissu économique, littéralement à genoux, il faudra largement plus que du provisoire. "Le préfabriqué, c’est éphémère. Manifestement, pour le moment, les Israéliens n’ont pas l’intention que ça reconstruise, s’indigne Yves Lallinec. S’ils en avaient vraiment envie, ils laisseraient passer les matériaux nécessaires. La réouverture des points de passage c’est le minimum."


Pour ce chef de mission français, comme d’ailleurs pour l’ensemble des Palestiniens et une grande partie de la communauté internationale, dirigeants compris, l’argent des donateurs ne suffira pas à reconstruire Gaza. Il faudra "faire pression sur les Israéliens. Avec l’argent, on fait quoi ? On va pas construire des murs avec des billets de banque, assène Yves Lallinec. Il faut un accord politique mais, surtout, il faut du ciment, du verre, du métal, bref des matériaux de construction. Pour l’instant rien ne peut entrer."


La levée du blocus israélien est un impératif pour reconstruire Gaza. Les Palestiniens estiment que près de 3 milliards de dollars sont aujourd’hui nécessaires. Mais une autre difficulté subsiste pour les pays occidentaux, à savoir éviter à tout prix que leur argent ne tombe entre les mains du Hamas. Si, à leurs yeux, le mouvement islamiste est infréquentable, à Gaza, il reste incontournable.