, envoyée spéciale à Moscou – Près de 109 millions de Russes sont appelés aux urnes pour élire leur président. Le Premier ministre, Vladimir Poutine, fait figure de favori. Reportage auprès d'observateurs chargés de veiller au bon déroulement du scrutin.
Dimanche 4 mars, 8 heures, dans le bureau de vote numéro 6, situé au cœur du centre historique de Moscou. Les premiers électeurs sont venus accomplir leur devoir de citoyen pour élire leur président. Ils doivent choisir entre cinq candidats, mais un seul fait figure d'ultra favori : l'actuel Premier ministre, Vladimir Poutine.
Alors que des soupçons de fraudes pèsent sur l'élection, des milliers d'observateurs sont mobilisés à travers le pays pour s'assurer du bon déroulement du scrutin.
Dans cette école reconvertie en centre de vote, 15 observateurs armés d'appareil-photo jouent le rôle de surveillant, à l'image de Artyom Medoev, 30 ans. "La situation politique aujourd'hui ne me permet pas de rester chez moi. C'est un jour important dans ma vie car je joue mon avenir et celui de mes enfants, explique-t-il. C'est mon devoir de citoyen de m'assurer que les assesseurs fassent correctement leur travail."
"Je veux que ces élections soient les plus transparentes possibles"
Un peu plus loin, une autre observatrice, Tatiana Smirnova, 28 ans, veille scrupuleusement sur les deux grandes urnes blanches. Sa mission : comptabiliser le nombre de personnes qui y insèrent leur bulletin. "Je dois m'assurer qu'aucun individu suspect ne s'approche de trop près de l'urne", ajoute-t-elle en restant très concentrée à chaque fois qu'une personne rôde autour des boîtes. "Je veux que cette élection soit la plus transparente possible", ajoute la jeune femme, ravie d'être observatrice dans ce centre qui a fait l'objet d'un scandale lors des élections législatives de décembre 2011, très largement remporté par Russie unie, le parti de Vladimir Poutine et du président Dmitri Medvedev.
"Le président de la commission s'était mystérieusement enfui avec les résultats", relate-t-elle. Les chiffres officiels ont ensuite annoncé que le parti de l'opposition démocrate Yabloko recueillait quatre votes alors que les observateurs en avaient dénombré 134". Et d'ajouter : "Je connais personnellement une dizaine de personnes qui ont voté pour ce parti dans ce bureau de vote".
À la suite de ce scandale, des plaintes ont été déposées et le président de la commission électorale de ce centre a été limogé et remplacé. "Je veux être sûre que l'histoire ne se répète pas", glisse-t-elle entre deux coups d'œil sur les urnes. Un scandale qui n'a pas laissé indifférent Dmitri Finnikov, 31 ans, qui était observateur dans ce bureau de vote en décembre. "J'étais très frustré dans mon rôle d'observateur car je n'ai rien pu faire, explique-t-il. J'ai donc décidé pour la présidentielle de devenir membre de la commission, ce qui me donne plus de droits : je participe au décompte des voix et je dois aussi apposer ma signature sur le document annonçant les résultats finaux."
À la mi-journée, ce dimanche, Finnikov était satisfait de la tenue du scrutin. "90 % du vote va bien se passer, affirme-t-il. Mais il faut faire attention aux 10 % restants. On ne sait pas quand ni où les irrégularités peuvent survenir." Afin d'éviter tout soupçon de fraudes et de favoritisme, le gouvernement de Vladimir Poutine a mis en place 180 000 webcams de surveillance (accessibles sur le site webvybory2012.ru) dans 90 000 bureaux de vote, sur les 95 000 que compte le pays. Au total, 150 000 observateurs sont déployés pour s'assurer du bon fonctionnement du scrutin.
1 904 alertes de fraudes
À la même heure, l'ONG indépendante Golos, chargée de surveiller le scrutin et de traquer les fraudes, avait de son côté reçu 1 904 alertes, envoyées par leurs correspondants répartis dans tout le pays. "On signale, non loin de Moscou, quelques 'votes carrousel'", indique la présidente de l'association Lilia Chibanova, faisant référence à un système de fraudes qui consiste à faire circuler en bus des personnes, qui font le tour de la ville pour "voter" dans différents bureaux de vote. "C'était surtout populaire pendant les législatives, précise la directrice de l'association. Mais pour ce scrutin, la plus grande irrégularité consiste à voter avec des cartes d'électeur temporaires, attribuées généralement à des gens qui ne se situent pas à proximité de leur domicile le jour du scrutin".
Toujours selon l'ONG, certaines lignes de téléphones portables appartenant à des observateurs ont été coupés, ainsi que des connexions Internet. "La situation la plus critique concerne la ville de Samara [à 860 km au sud-est de Moscou, non loin de la frontière avec le Kazakhstan], où les forces de l'ordre ont empêché des observateurs d'entrer dans les bureaux de vote. "La police menace d'utiliser la force, poursuit-elle. On ne laisse pas filmer ni prendre de photos". Dans d'autres villes, comme Vladivostok, située à 1000 km à l'est de Moscou, des scènes de bourrage d'urnes ont été constatées. Mais Lilia Chibanova note toutefois "une amélioration dans la tenue du scrutin, en comparaison avec les élections législatives".