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Les Iraniens étaient appelés aux urnes vendredi pour renouveler leur Parlement lors des élections législatives. Boycotté par les réformateurs, ce scrutin devrait être remporté par les conservateurs, déjà au pouvoir.
REUTERS - Les Iraniens ont voté vendredi à des élections législatives qui devraient renforcer le camp du Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, face à ses rivaux conservateurs du président Mahmoud Ahmadinejad.
Il s'agit du premier scrutin depuis la présidentielle de 2009, qui a vu la reconduction de Mahmoud Ahmadinejad suivie d'une vague de contestation sans précédent depuis la Révolution islamique et durement réprimée.
En pleine montée des tensions autour du programme nucléaire du pays, les dirigeants iraniens espèrent asseoir leur autorité grâce à un fort taux de participation.
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"Plus l'Iran a d'ennemis, plus les élections sont importantes", a déclaré l'ayatollah Khamenei après avoir déposé son bulletin dans l'urne. "Un fort taux de participation serait
mieux pour la nation (...) et pour préserver notre sécurité."
Les bureaux de vote, ouverts à 08h00 locales (04h30 GMT), ont fermé à 23h00 (19h30 GMT), cinq heures plus tard que prévu, afin de faire face à l'affluence que la télévision d'Etat a qualifiée d'"exceptionnelle".
Mehdi Karoubi, un des chefs de file de l'opposition, assigné à résidence comme Mirhossein Moussavi, a appelé de son côté sur son site internet les Iraniens à boycotter une "parodie d'élection".
L'ancien président Hashemi Rafsanjani, qui a rejoint le camp réformateur, a lui fait une allusion aux fraudes présumées de 2009 en sortant du bureau de vote.
"Si le résultat des élections correspondent à ce que les gens ont voté, alors si Dieu le veut, nous aurons un très bon Parlement", a-t-il dit.
Les résultats du scrutin ne devraient pas être connus avant trois jours, le dépouillement ayant lieu manuellement.
"MORT À L'AMÉRIQUE"
Dès l'ouverture du scrutin, les partisans du Guide se sont précipités dans les bureaux de vote.
"Je gifle l'Amérique au visage avec mon vote", a déclaré Reza Ghoreishi, 25 ans, étudiant dans la ville sainte de Qom, en écho à la rhétorique de l'ayatollah Khamenei. "Mort à
l'Amérique, mort à Israël, mort à toutes les puissances arrogantes", a-t-il scandé.
Les autorités ont prédit un taux de participation supérieur à 65%, contre 57% lors des législatives de 2008.
La télévision d'Etat, qui évoque "une participation aussi grande que l'Iran", diffuse des images de file d'électeurs interminables dans plusieurs villes de province, comme Ispahan et Chiraz.
Les bureaux de vote des quartiers riches du nord de Téhéran sont en revanche restés quasiment déserts pendant plusieurs heures, avant de progressivement se remplir, a constaté un journaliste de Reuters.
Face à un Majlis hostile, Ahmadinejad serait fragilisé pour le reste de son mandat. Selon les observateurs de la vie politique iranienne, le camp Khamenei, qui compte environ 20
millions de partisans, est pratiquement assuré de la majorité.
"Je prévois que l'assemblée sera dominée par les fidèles de Khamenei, avec une minorité composée par les partisans d'Ahmadinejad", a pronostiqué l'analyste politique Babak Sadeghi.
Les partisans des deux camps estiment que leur champion est le mieux à même de préserver l'héritage du fondateur de la République islamique, l'ayatollah Ruhollah Khomeini.
Depuis la réélection d'Ahmadinejad, l'influence de ses partisans s'est accrue, au point d'inquiéter Khamenei et son entourage.
PRÉSERVER L'ORDRE ÉTABLI
Pour le haut clergé chiite, Ahmadinejad tente de saper l'autorité du Guide suprême en intervenant de plus en plus sur des questions théocratiques, son domaine réservé.
Face au président, plusieurs groupes influents à divers niveaux de la société ont fait bloc pour le priver d'une victoire aux législatives. Parmi eux figurent les puissants
gardiens de la Révolution, d'influents membres du clergé, de riches "bazari" (commerçants) et divers dirigeants politiques ultra-conservateurs.
Plusieurs dizaines de partisans d'Ahmadinejad ont été emprisonnés ou démis de leurs fonctions après avoir été accusés d'appartenir à un "courant déviant".
"Pour le Guide suprême, la plus haute priorité est de préserver l'intégrité de l'ordre religieux établi", a commenté un proche de Khamenei ayant requis l'anonymat.
De l'avis de certains spécialistes, la présence d'Ahmadinejad pourrait toutefois être nécessaire aux yeux des hauts dirigeants au moment où Téhéran subit une pression
internationale croissante du fait de ses activités nucléaires.
"Son départ pourrait accroître la pression sur l'Iran et encourager l'opposition à redescendre dans la rue. Cela ne ferait qu'affaiblir l'establishment", a estimé Babak Sadeghi.
Les sanctions financières infligées par les Etats-Unis et l'Union européenne pour condamner la poursuite des activités nucléaires sensibles de Téhéran pèsent lourdement sur l'économie iranienne, en particulier au niveau du prix de l'énergie et des
importations alimentaires.
Les adversaires d'Ahmadinejad l'accusent d'avoir laissé les prix flamber et de n'avoir rien fait pour empêcher l'isolement de l'Iran sur la scène internationale.
Quel que soit le résultat du scrutin, il n'aura vraisemblablement aucune conséquence pour le programme nucléaire, qui reste une priorité pour toutes les composantes du
camp conservateur, ni pour l'opposition réformatrice, qui reste sous étroite surveillance et exclue de la vie politique.