
Une quarantaine de salariés des distributeurs agréés d'Apple ont manifesté, ce jeudi, devant l’Apple Store d’Opéra à Paris pour dénoncer ce qu’ils jugent être leur mise à mort silencieuse par le géant à la pomme.
La manifestation était presque aussi bien rodée qu’un show Apple. Une quarantaine de revendeurs agréés de la marque à la pomme - des magasins IDLC du groupe eBizcuss essentiellement - se sont retrouvés, jeudi 9 février, devant l’Apple Store d’Opéra à Paris pendant plus d’une heure. Ils manifestaient contre ce qu’ils perçoivent comme une volonté du géant américain de les étouffer économiquement au profit des Apple Store.
Les nombreux journalistes présents pour assister à cette "première manifestation en France et en Europe contre Apple" - selon le Collectif des salariés des revendeurs d’Apple indépendants – ont découvert un casting parfait. Des figures d’Épinal de toute manifestation qui se respecte, telles ces deux porte-parole “en colère” et au discours bien huilé ou cet employé qui vend la marque Apple depuis 30 ans et se rappelle à quel point "c’était mieux avant".
“Nous sommes en colère car Apple ne nous livre plus depuis des mois et fait tout pour rendre notre travail impossible”, s’énerve Rosa, l’une des porte-parole et responsable du réseau des magasins IDLC. Elle raconte que ses chefs de magasin ont dû former les vendeurs aux nouveaux iPhone ou iPad afin de les présenter aux clients. "Pourtant, lorsqu’il s’agit de passer à la caisse, on ne peut faire autrement que de dire que nous n’en avons pas en stock et qu’il faut aller les acheter dans les Apple Store", explique-t-elle. Pour tout ce qui est réparation ou changement de matériel, les revendeurs sont aussi obligés de rediriger les clients vers les temples consuméristes “made in Apple”.
Dans la rue et devant la cour
Derrière ce rassemblement de salariés en colère presque trop bien organisé pour être spontané se profile un vrai malaise. Les Apple Store, au nombre de 341 dans le monde dont 9 en France, sont plus que des boutiques parfaitement calibrées pour mettre en valeur les produits inventés par feu Steve Jobs et ses équipes. Ils seraient, d’après ces manifestants, des fossoyeurs d’emplois pour les magasins de revendeurs agréés.
Arthur, qui a commencé à vendre des produits Apple en 1982, résume la situation : “Pendant vingt ans, Apple comptait sur nous pour écouler ses stocks, et du jour où le groupe a commencé à ouvrir ses propres magasins [à partir de 2001 aux Etats-Unis ndlr], on est devenu de trop.” Il se souvient avoir vécu la disparition des enseignes agréées par Apple en Angleterre quelques années après l’arrivée des Apple Store à Londres en 2004 et ne veut pas que le scénario se répète en France où le premier Apple Store a ouvert en novembre 2009. Avec ses collègues, ils reprochent à Apple de vouloir les tuer en silence plutôt que de mettre un terme à leur collaboration, ce qui coûterait plus cher au géant américain.
Abus de position dominante
Si cette stratégie a fonctionné aux États-Unis ou encore en Grande-Bretagne, les distributeurs agréés français comptent bien batailler et pas seulement en battant le pavé, même si résister contre la volonté d’Apple n’est pas évident.
La société eBizcuss, plus gros réseau de revendeurs agréés en France, a ainsi déposé le 6 janvier deux plaintes en référé contre Apple pour concurrence déloyale et abus de position dominante. Pour elle, c’est une question de survie puisque son chiffre d’affaire à chuté de 22% en un an et que le cours de son action en Bourse a dégringolé de 50% au cours de la même période. Les manifestants rassemblés devant l’Apple Store d’Opéra assurent ne pas avoir agi de concert avec la direction d’eBizcuss. Mais il est sûr que l'employeur de la majorité d'entre eux ne doit pas voir d’un mauvais œil cette opération de communication.
Crédit photo : Pierre Moussart