Selon Médecins sans frontières, de nombreux civils blessés refusent de se rendre dans les hôpitaux de peur d'y être arrêtés, torturés ou exécutés par les forces de sécurité syriennes. Un grand nombre de médecins subirait le même sort. Témoignages.
Les entretiens ci-dessous réalisés par MSF entre le 30 janvier et le 6 février 2012 sont tous anonymes pour des raisons évidentes de sécurité.
Elle sort - enfin - de son silence. Après des mois de mutisme sur le dossier syrien, l'ONG Médecins sans frontières a pris la parole mercredi 8 février pour dénoncer le climat de peur qui sévit dans les hôpitaux syriens depuis le début du soulèvement populaire.
En s'appuyant sur les témoignages d'une infime partie de médecins et blessés syriens qui ont pu fuir leur pays pour se réfugier en Jordanie ou en Turquie, l'ONG - qui n'a jamais obtenu l'autorisation d'entrer sur le territoire - a décidé de donner la parole à ceux que le régime de Bachar al-Assad cherche à faire taire par tous les moyens.
"Aujourd'hui en Syrie, les blessés et les médecins sont pourchassés jusque dans les hôpitaux. Ils courent le risque d'être arrêtés et torturés par les services de sécurité. La médecine est utilisée comme une arme de persécution, insiste le docteur Marie-Pierre Allié, la présidente de MSF. Tout blessé est immédiatement suspecté."
"Un jour, j'ai vu un officier achever un blessé à coups de pieds"
C'est au mois de mai 2011 que l'ONG prend le problème de la persécution médicale en Syrie à bras-le-corps. "A cette époque, nous avons été interpellés par des médecins syriens qui vivent à l'étranger mais qui restaient en contact avec leurs confrères à l'intérieur du pays", raconte Dounia Dekhili, responsable ajointe des urgences à MSF. "Ils nous ont dit la même chose : le personnel médical et les blessés sont gravement menacés par les forces de sécurité du régime."
A travers des vidéos, tous attestent, en effet, de tortures, d'éxecutions sommaires et d'une "volonté systématique" des forces syriennes d'empêcher les blessés d'accéder aux soins. Si certains arrivent à se faire enregistrer sous une fausse identité ou à se faire diagnostiquer une fausse pathologie pour pouvoir subir une opération chirurgicale, beaucoup n'ont pas cette chance. "Un jour, j'ai vu un officier achever un blessé à coups de pieds", raconte un des patients interviewés.
Les conditions sanitaires aussi sont déplorables. Les hôpitaux publics, qui disposent de matériel médical, sont étroitement surveillés par le régime. Quant aux médecins "clandestins" qui œuvrent dans des camps de fortune, ils manquent de tout (médicaments, anesthésiants, poches de sang...), la simple détention de médicaments étant considérée comme un crime.
"Souvent, c'est la cuisine d'une ferme qui sert de bloc opératoire, précise la présidente de MSF. Les conditions d'anesthésie, de stérilisation et d'hygiène sont des plus rudimentaires. Certains médecins, impuissants, regardent leurs patients mourir."
Ci-dessous : "Nous avons deux options : soit laisser le blessé mourir, soit l'envoyer à l'hôpital sans savoir ce qu'il adviendra de lui".
Ci-dessous : "J'ai été détenu deux fois et ce que j'ai vu, c'est que certains prisonniers sont abandonnés jusqu'à ce que leurs blessures pourrissent."
Ci-dessous : "Personne ne veut rester à l'hôpital. Un jour, j'ai vu un officier achever un blessé en l'écrasant à coups de pieds."
Ci-dessous : "A l'hôpital, on m'a opéré sous un faux nom parce que je suis recherché par la sécurité".
Pour consulter l'intégralité des témoignages, cliquez sur ce lien.