logo

Fatah-Hamas, le fragile rapprochement

Le président palestinien Mahmoud Abbas et le chef du Hamas Khaled Mechaal ont conclu ce lundi un accord visant à mettre en place un gouvernement transitoire. Mais la réconciliation entre les deux principaux mouvements palestiniens reste précaire.

Le Fatah et le Hamas semblent engagés sur le chemin de la réconciliation. Les deux mouvements palestiniens se sont entendus lundi 6 février pour mettre en place un gouvernement transitoire gérant à la fois la Cisjordanie, aujourd’hui administrée par le Fatah, et la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas depuis 2006.

La réconciliation entre les deux factions reste toutefois précaire, au vu du temps qu’elles ont mis pour s’entendre sur la formation d’un gouvernement, analyse Riccardo Bocco, spécialiste du Proche-Orient et professeur de sociologie politique à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève. "Cette annonce intervient dix mois après l’accord de réconciliation signé en avril 2011", rappelle-t-il.

Si l’accord a été rendu public le 6 février, la composition du futur gouvernement ne sera annoncée que le 18 février au Caire à l’occasion d'une réunion de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), à laquelle participeront l’ensemble des mouvements palestiniens, dont le Hamas et le Djihad islamique. Les différentes factions ont jusqu’à cette date pour s’entendre sur la liste des ministres.

Salam Fayyad écarté

L’accord Fatah-Hamas s’est fait aux dépends de l’actuel Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Salam Fayyad, qui a les faveurs des puissances occidentales pour son rôle dans l’essor économique en Cisjordanie. Le Hamas s’est en effet fermement opposé à la promotion de cet économiste reconnu et a contraint Mahmoud Abbas à lâcher cet allié.

"Salam Fayyad a été éduqué aux Etats-Unis et a travaillé au FMI. Il est perçu par le peuple palestinien comme faisant parti de l’élite, éloigné du peuple et imbriqué dans le clientélisme du Fatah", explique Riccardo Bocco. "Aujourd’hui, c’est Mahmoud Abbas qui récolte les fruits de sa politique en Cisjordanie, et comme il a su rester un homme de consensus, il a pu faire l’unanimité autour de sa personne."

De fait, c’est Mahmoud Abbas qui doit prendre la tête du gouvernement d’union. Il cumulera les rôles de président de l’Autorité palestinienne, Premier ministre du gouvernement provisoire, chef de l’OLP et du Fatah. A la tête d’une équipe de technocrates indépendants, il doit préparer la tenue d’élections présidentielles et législatives, prévues dans le courant de l’année 2012.

L’accord entre les deux factions a été conclu entre Mahmoud Abbas et Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas en exil. Sous son impulsion, le mouvement islamiste semble se détourner de sa posture d’intransigeance, selon Riccardo Bocco. "Khaled Mechaal occupe aujourd’hui une position nouvelle. Il joue le rôle de colombe car il a des ambitions politiques. Après les élections, il se verrait bien Premier ministre ou même pourquoi pas président de l’Autorité palestinienne à la place de Mahmoud Abbas, qui a du mal à organiser sa succession."

Israël pas franchement rassuré

Mais le nouveau positionnement de Mechaal a fait apparaître des dissensions au sein du mouvement. Des responsables du Hamas dans la bande de Gaza, partisans d’une ligne plus dure avec le Fatah, pourraient ainsi tenter de bloquer la formation du gouvernement.

Autrefois basé à Damas, c’est désormais depuis Doha que Khaled Mechaal mène les affaires de son mouvement. C’est ainsi dans la capitale qatarie et sous l’égide de l’émir Hamad ben Khalifa Al-Thani qu’a été finalisé l’accord Hamas-Fatah. "Le Hamas s’est détourné de la Syrie et du régime de Bachar al-Assad pour se redéployer au Caire, qui est devenu son allié naturel depuis la chute de Moubarak, et à Doha", analyse Riccardo Bocco. Selon lui, l’émirat "essaye de jouer le rôle géostratégique tenu par la Jordanie dans les années 1980 mais avec des moyens financiers bien plus importants et une communication parfaite, orchestrée par Al-Jazeera ".

S’il est perçu comme une victoire diplomatique du Qatar, l’accord palestinien est vu d’un mauvais œil en Israël, qui refuse tout compromis avec le Hamas. Le mouvement est considéré comme une organisation terroriste par l’État hébreux ainsi que par les Etats-Unis et l’Union européenne. Aussitôt après l’annonce de l’accord, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a demandé à Mahmoud Abbas de renoncer à cette réconciliation interpalestinienne au nom de la poursuite du "chemin de la paix" avec Israël. "C'est soit la paix avec le Hamas, soit la paix avec Israël, vous ne pouvez pas avoir les deux."