La chancelière allemande est en Chine, où elle tente de rassurer son allié commercial sur la crise de la zone euro. Une visite également utile pour les relations sino-allemandes, selon le président d’Asia Centre Jean-François Di Meglio.
Quand la première puissance de la zone euro rencontre la deuxième économie mondiale, la défense de l’économie européenne s’immisce forcément dans les discussions. Escortée par une délégation de patrons allemands, la chancelière allemande Angela Merkel a entamé jeudi 2 février une visite de trois jours à Pékin dans le but affiché de solliciter le soutien de la Chine dans la crise de la zone euro. Le gouvernement chinois a d’ailleurs déclaré le jour même qu’il pourrait accroître sa participation au Fonds européen de stabilité financière (FESF) et au nouveau fonds de secours intitulé Mécanisme européen de stabilité (MES).
Mais pour la chancelière allemande comme pour ses homologues chinois, les enjeux de la visite ne s’arrêtent pas aux frontières de la zone euro. En dépit des déclarations de Berlin selon lesquelles la négociation de contrats commerciaux n’est pas à l’ordre du jour, la délégation allemande compte plusieurs grands patrons dans ses rangs. Alors, pour qui roule Angela Merkel ? Décryptage avec Jean-François Di Meglio, économiste spécialiste de la Chine et président d’Asia Centre à Paris.
FRANCE 24 : Lors de cette visite, a-t-on à faire à Angela Merkel l’Allemande ou l’Européenne ?
Jean-François Di Meglio : Aux deux. Angela Merkel travaille sa stature de représentante de la zone euro. Jusqu’à présent, les discours sur la crise de la dette étaient portés par d’autres leaders. Mais Berlin n’ayant pas perdu son triple A, la chancelière incarne la vertu ultime. Cependant, Angela l’Allemande profite certainement de ce déplacement à des fins électoralistes en vue de 2013.
Quel est le réel enjeu de cette visite ?
J.-F.D.M. : Derrière la démarche multilatérale annoncée, cette rencontre revêt un aspect davantage bilatéral. La Chine va devenir le premier partenaire économique de l’Allemagne, devant la France. C’est un symbole fort. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 132 milliards d’euros en 2011 [six fois plus que dans les années 2000 ndlr]. La présence de l’industrie automobile germanique continue de s’accroître sur le sol chinois. Les relations économiques entre les deux sont donc très bonnes. Mais quelques nuages pointent à l’horizon.
Le marché allemand, premier partenaire de la Chine en matière d’exportation, est menacé. La Chine ayant subi un ralentissement de ses exportations, conséquence de la crise des dettes européenne et américaine, se trouve dans un mode de repli sur elle-même et a tendance à privilégier son marché intérieur. Une attitude potentiellement dangereuse pour les débouchés allemands.
Dans la démarche de Merkel, on peut voir un coup préemptif. Même si le succès allemand est déjà au rendez-vous en Chine, l’artillerie lourde déployée pour l’occasion - une vingtaine de patrons de grandes entreprises - laisse deviner les intentions de Berlin, qui sont de faire mieux que la réussite actuelle.
Évoquer les relations économiques entre l’Allemagne et la Chine à l’heure où la zone euro vacille, n’est-ce pas révélateur d’un manque de solidarité envers les autres pays européens?
J.-F.D.M.: Il ne faut pas caricaturer, Angela Merkel fait son travail. D'ailleurs on n'a jamais vu plusieurs chefs d’Etat européens aller ensemble faire une visite de ce type-là. Il ne faut pas oublier que nos dirigeants sont aussi les représentants commerciaux de leur propre pays.
Et puis, si les succès des entreprises allemandes en Chine peuvent profiter par extension à la protection de la zone euro... Pourquoi pas !