En attendant une année 2012 pleine de promesses cinématographiques, la rédaction de France24.com propose sa sélection des événements, des films, des hommes et des femmes qui ont fait les grandes heures du cinéma en 2011.
Le nouvel Hollywood
Ils ont formé l’un des couples les plus glamours de l’année. Dans "Blue Valentine", Ryan Gosling et Michelle Williams s’aiment et se déchirent sous l’œil pudique de l’Américain Derek Cianfrance. Magnifique film sur le délitement amoureux, "Blue Valentine", sorti le 15 juin en France, témoigne surtout du niveau d’exigence de deux acteurs hollywoodiens dont on peut saluer aussi bien la justesse du jeu que la pertinence de la filmographie.
On ose à peine présenter le premier tant il a bénéficié, tout au long de 2011, d’une large couverture médiatique qui ferait mourir de jalousie les vieux routiers d’Hollywood. Outre son rôle de mari délaissé dans "Blue Valentine", Ryan Gosling a endossé celui du Don Juan multirécidiviste dans la séduisante comédie "Crazy, Stupid, Love" et d'un jeune loup politique dans "Les Marches du pouvoir" de - et avec - George Clooney. Mais c’est surtout sa performance dans l’hypnotisant "Drive" du Danois Nicolas Winding Refn qui lui a valu une pluie d’éloges amplement mérités. Son personnage de cascadeur taiseux qui, une fois la nuit tombée, joue les chauffeurs pour braqueurs amateurs l’a hissé au rang d’icône du cinéma hollywoodien. L’acteur canadien a même attiré l’attention du très pointilleux Terrence Malick (Palme d’Or à Cannes pour "The Tree of Life"), qui lui a offert un rôle dans son film actuellement en tournage, "Lawless".
Michelle Williams n’a, elle non plus, pas à rougir de ses choix récents. L’ancienne héroïne de la sirupeuse série télé à succès "Dawson" s'est davantage illustrée dans des films d'auteur que de grosses productions hollywoodiennes auxquelles on semblait vouloir la cantonner à ses débuts. Cette année, les spectateurs français ont pu la voir dans l'Amérique pionnière de "La Dernière Piste", western envoûtant et mystique de la réalisatrice Kelly Reichardt, qui nous rappelle qu'au cinéma savoir prendre son temps n'est pas toujours faire injure aux spectateurs. Consécration des consécrations, Michelle Williams apparaîtra, en 2012, sous les traits de la mythique Marilyn Monroe dans "My Week with Marilyn" de Simon Curtis. (G. G.)
Un Festival de Cannes tressé fin
Prenez "The Tree of Life" de Terrence Malick, le cinéaste américain qui s'est longtemps laissé désirer et qui ne visait pas moins que la Palme d'Or en arrivant sur la Croisette avec un film grandiloquent.
Ajoutez-y le long-métrage rugueux "Polisse" signé de Maïwenn la tumultueuse, "Il était une fois en Anatolie" de Nuri Bilge Ceylan, film qui se contemple dans toute sa lenteur, "Footnote", variation intriguante sur les relations père-fils dans le monde étriqué de l'intelligenstia israélienne.
Choisissez enfin Jean Dujardin ("The Artist") et Kirsten Dunst ("Melancholia"), et vous obtiendrez le palmarès idéal, choisi avec soin par le jury du Festival de Cannes 2011 présidé par Robert de Niro.
Les saillies de Lars Von Trier, déclarant sa sympathie pour Hitler, ont certes fait désordre. Et "Le Havre" d'Aki Kaurismaki n'a pas reçu le lot de paillettes qu’il méritait. Il faut bien quelques anomalies dans la comédie humaine qu'est le Festival de Cannes. (P. L.)
Nul n'est prophète en son pays
"Une séparation" a conquis la Berlinale avant de séduire le public français. Tout juste récompensé de l’Ours d’or, le troisième film du prodige iranien Asghar Farhadi a approché, peu après sa sortie en juin, le million d’entrées en France. Jamais film iranien n’avait suscité un tel engouement dans l’Hexagone.
Surpris par un tel succès, critiques et commentateurs se sont penchés sur les raisons qui ont poussé les spectateurs français à plébisciter ce drame familial en langue persane. Etait-ce la virtuosité de la mise en scène, l’époustouflante performance des acteurs ou la sincérité avec laquelle Asghar Farhadi dépeint le clivage social ?
"Une séparation" aura également eu pour effet de promouvoir auprès d’un large public la richesse et le dynamisme du cinéma persan, maltraité dans son propre pays. À la mi-septembre, pas moins de six documentaristes et une productrice ont été mis à l’arrêt pour "espionnage" au service de… la BBC, la télévision publique britannique.
Un an plus tôt, le réalisateur Jafar Panahi écopait de six ans de réclusion et d'une interdiction d'exercer son métier pendant vingt ans pour "propagande contre le régime". Bravant sa condamnation, le cinéaste parvient toutefois à tourner, de son domicile où il est assigné à résidence, "Ceci n'est pas un film". Présenté au dernier Festival de Cannes - après avoir passé les frontières iraniennes sous la forme d'une clé USB dissimulée dans un gâteau -, ce documentaire co-réalisé avec Mojtaba Mirtahmasb est une réflexion sensible sur le travail d'un artiste privé de ses moyens d'action et un pied de nez adressé aux autorités de Téhéran. (G. G.)
La guerre sans l'aimer
A Cannes, "La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli avait ému aux larmes le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand. Lors de sa projection, l’actrice Sandrine Kiberlain avait pris la parole pour louer le travail de son amie réalisatrice et coscénariste, l'ovation du public avait duré de longues minutes.
A la veille de sa sortie dans les salles françaises le 31 août, "Libération" faisait de "La guerre est déclarée" son événement du jour. Dans le sillage du quotidien, une majorité de critiques de cinéma a déclaré son enthousiasme pour le second long-métrage de Valérie Donzelli, co-écrit et tourné avec son ancien partenaire à la ville, Jérémie Elkaïm.
Le film retrace le quotidien d’un jeune couple dont l’enfant souffre d’une forme rare de cancer. Le spectateur emprunte le tunnel par lequel sont passés Donzelli et Elkaïm, un tunnel fait de couloirs d'hôpitaux et de maladie d'enfant, un tunnel propre à étouffer l'amour d'un couple et à distiller des doutes sur la continuité de la vie. Mais pour être entièrement convaincu, il faudrait feindre d'ignorer certaines petites baisses de crédibilité. Quoiqu'il en soit, le destin du film s'annonce peut-être encore plus grandiose : "La guerre est déclarée" est sélectionné pour l'Oscar du meilleur film étranger. (P. L.)
La comédie du pouvoir, le pouvoir de la comédie
En cette année pré-électorale, le cinéma français s’est aventuré sur des terres qu’il n’avait encore que timidement, ou maladroitement, explorées : celles du pouvoir politique. Chacun à leur manière, deux films français s'y sont essayés avec une décontraction et un savoir-faire certains.
Dans "Pater", objet filmique encore non identifié, l’espiègle réalisateur Alain Cavalier revêt le costume d’un président de la République se jouant de son tout nouveau Premier ministre, l'impétueux Vincent Lindon embarqué, plus de gré que de force, dans ce faux jeu de dupes.
Avec une jubilation communicative, les deux complices rejouent la comédie du pouvoir, ses petites bassesses et ses grandes humiliations. Mais plus qu’un brûlot politique, comme il fut exagérément présenté à sa sortie en salles, le long-métrage d’Alain Cavalier est un savoureux dialogue entre deux hommes s’amusant à élargir le champ de l'expérimentation cinématographique. Car comme l’affirme le duo en conclusion du film, au cinéma, "tout est permis".
Moins facétieux, mais tout aussi passionnant, "L’Exercice de l’État" suit le quotidien hystérique d’un ministre français des Transports (excellent Olivier Gourmet), bête politique hyperactive aux prises avec ses obsessions et contradictions. Film ambitieux sur ces hommes et ces femmes possédés par les démons du pouvoir, le deuxième long-métrage du réalisateur Pierre Schoeller est le préambule idéal à la campagne présidentielle qui attend les Français en 2012. (G. G.)
Photos (de g. à dr. et de haut en bas) : Leila Hatami et Peyman Moaadi dans "Une séparation" d'Asghar Farhadi ; Vincent Lindon dans "Pater" d'Alain Cavalier ; Ryan Gosling dans "Drive" de Nicolas Winding Refn ; Michelle Williams dans "La Dernière Piste" de Kelly Reichardt ; Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm dans "La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli.