Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, propose d'instaurer des corridors humanitaires en Syrie. Mais comment faire sans obtenir l'accord de Damas et qu'implique cette proposition? Décryptage.
Après la Turquie qui a évoqué la possibilité de créer une zone tampon le long de sa frontière avec la Syrie, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a plaidé mercredi 23 novembre pour la mise en place de corridors humanitaires pour venir en aide aux civils qui subissent la répression sanglante du régime de Bachar al-Assad. Le ministre français des Affaires étrangères a fait cette proposition à l’issue d’une entrevue avec Burhan Ghalioun, leader du Conseil national syrien. A cette occasion, Alain Juppé a d'ailleurs reconnu comme un interlocuteur légitime cet organe qui regroupe la majorité des courants de l’opposition syrienne.
Qu'est-ce qu'un corridor himanitaire ? "Il s’agit de créer des parcours pour permettre d’acheminer du matériel humanitaire aux civils qui en ont besoin", explique à France 24 un membre du Quai d’Orsay. "Dans le cas de Homs par exemple, où la répression est terrible, on pourrait établir un couloir depuis la frontière la plus proche, à savoir le Liban", décrypte-t-il.
Quid de la faisabilité de ces propositions
Reste que cette proposition suscite de nombreuses interrogations, notamment quant à sa faisabilité. Il semble difficile, en effet, de mettre en œuvre des zones neutres de ce type sans l’accord de Damas qui, jusqu’ici, s’est montré peu enclin à coopérer avec la communauté internationale.
Interrogé sur l’antenne de la radio France Inter, Alain Juppé évoque, pour ce faire, "deux configurations possibles". "La première, c'est que la communauté internationale, les Nations unies, la Ligue arabe puissent obtenir du régime qu'il autorise ces corridors humanitaires comme cela s'est fait ailleurs", affirme-t-il.
"Il est toutefois peu probable que Damas accepte une telle proposition", estime Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo). Le régime n’a, en effet, toujours pas accepté la proposition de la Ligue arabe d’envoyer 500 observateurs dans le pays – des membres d’organisations humanitaires pour la plupart – afin de s’assurer de la sécurité des civils.
En cas de refus syrien, on pourrait alors envisager de "protéger militairement des convois humanitaires" estime Alain Juppé, tout en soulignant que ce cas de figure n’était pas encore à l’ordre du jour.
Surenchère verbale et encouragement à l’opposition de l’intérieur
L’hypothèse d’une intervention militaire en Syrie semble en effet peu plausible pour l’instant, compte tenu du fait qu’elle nécessite l’aval du Conseil de sécurité des Nations unis, où Moscou et Pékin continuent de s’opposer farouchement à cette éventualité.
Pour Fabrice Balanche, les propos d’Alain Juppé visent donc plutôt à maintenir la pression sur Damas. "Les Français, comme les Turcs, sont dans la surenchère verbale, estime-t-il. Tout en essayant d’aller plus loin vu que rien ne semble faire fléchir Bachar al-Assad depuis plus de huit mois, ils cherchent à encourager les déserteurs et à préparer le terrain pour une éventuelle future intervention armée sous couvert d’une action humanitaire, dans un an ou plus pour exemple."
Depuis le déclenchement des manifestations en mars, la répression a fait plus de 3 500 morts selon l'ONU.