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Le Parti populaire hérite d'un lourd fardeau économique

Réduction des déficits, recapitalisation des banques, réduction d'un taux de chômage supérieur à 20 % : les priorités économiques du futur Président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, sont légion.

À peine élue, déjà sous pression. Craignant une propagation de la crise de la dette et attendant une action de l'Union européenne (UE), les marchés financiers n’ont pas laissé la droite espagnole profiter d’un état de grâce après sa large victoire aux élections législatives de dimanche. Au lendemain du succès du Parti populaire (PP) emmené par Mariano Rajoy, la bourse de Madrid n'a cessé de creuser ses pertes tout au long de la journée de lundi, Madrid continuant, par ailleurs, à emprunter à un taux d’intérêt  très élevé - au dessus de 6 %.

La planète financière attend, en effet, de connaître les détails du plan d’austérité à la sauce Rajoy avant de décider ou non d'accorder sa confiance au nouveau pouvoir espagnol. “Le nouveau gouvernement doit en premier lieu remettre les comptes en ordre et réduire le déficit (qui s'élève à 9 % du PIB aujourd'hui, NDLR) pour rassurer les marchés”, explique à FRANCE 24 Piotr Maciej Kaczyński, économiste au Centre d’études européennes de Bruxelles. Selon lui, l'échéance du remboursement d'une partie de la dette espagnole, prévue pour le début de 2012, rend les marchés particulièrement nerveux. Sans compter que ni la Commission européenne, ni la Banque centrale européenne (BCE) n'estiment que Madrid pourra réussir son pari de ramener son déficit de 9 % à 3 % d'ici à 2013, comme il l'ambitionne.  

Conscient de cette attente, Mariano Rajoy a réitéré, peu après l’annonce de sa victoire, la nécessité de davantage d’austérité, sans pour autant entrer dans les détails. Il s’est contenté d’insister sur “la nécessité de faire des coupes budgétaires plutôt que de procéder à des augmentations de taxes”, souligne Danielle Schweisguth, économiste spécialiste de l’Espagne à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), contactée par FRANCE 24. Mariano Rajoy a, cependant, précisé qu’il ne comptait pas toucher aux retraites - son prédécesseur José Luis Zapatero avait déjà repoussé en janvier 2011 l’âge de la retraite de 65 à 67 ans - et qu'il ne réduirait pas le nombre de fonctionnaires.

Rajoy coincé entre les marchés et les chômeurs

Mais les inquiétudes des marchés ne s'arrêtent pas là. Les places financières craignent également la menace que représente la fragilité du secteur bancaire espagnol pour les comptes de l'État. Depuis l’explosion de la bulle immobilière en 2008, les établissements bancaires espagnols détiennent quelque 1 000 milliards d’euros de créances immobilières. Or, une partie d’entre elles ne sera jamais remboursée. “Si on ne prend en compte que les prêts bancaires accordés aux promoteurs immobiliers, il y a entre 80 milliards et 100 milliards d’euros de créances douteuses”, explique Danielle Schweisguth. Un effondrement du secteur bancaire coûterait donc une fortune à l’État et réduirait à néant les économies réalisées par n’importe quel plan d’austérité. “Le Parti populaire cherche actuellement à extraire les dettes douteuses des bilans des banques pour les mettre dans une sorte de 'bad bank'”, souligne-t-elle.

La pression sur le gouvernement espagnol est d'autant plus forte que les marchés ne sont pas les seuls à en attendre beaucoup. Les électeurs, de leurs côtés, espèrent que Mariano Rajoy améliorera la situation de l'emploi dans le pays. L’Espagne détient le triste record du plus fort taux de chômage de la zone euro (21,52 %) et “près de 50 % des jeunes de moins de 24 ans n’ont pas de travail”, précise Piotr Maciej Kaczyński. Des chiffres qui expliquent, en grande partie, la défaite électorale du socialiste José Luis Zapatero, dimanche.

La droite compte s’attaquer au problème de l’emploi en y introduisant une forte dose de flexibilité. “Mariano Rajoy a fait référence à la possibilité d’instaurer un contrat unique sur le modèle de ce qui se fait aux Pays-Bas”, explique Danielle Schweisguth. Au lieu des traditionnels CDD (contrat à durée déterminée) et CDI (contrat à durée indéterminée), il pourrait bientôt ne plus exister en Espagne qu’un seul type de contrat auquel l’employeur pourrait mettre un terme beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui. Une précarité accrue dont les vertus restent cependant à prouver :  “Entre l'Espagne et les Pays-Bas, il existe toutefois une grande différence, conclut Danielle Schweisguth. Alors que les chômeurs néerlandais bénéficient d’une allocation très élevée, le Parti populaire espagnol ne prévoit aucun dispositif de ce type”.