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Silvio Berlusconi, un homme d’affaires qui a ignoré l’économie

Ce sont finalement les affres de l'économie plutôt que les scandales sexuels ou autres ennuis judiciaires qui auront eu raison de la carrière politique de Silvio Berlusconi. Un comble pour un homme à la tête d'un empire financier.

Silvio Berlusconi a survécu aux scandales sexuels et autres soirées “bunga, bunga”. Il est jusqu’à présent passé entre les mailles du filet de la justice qui s’intéresse de très près à son empire économique. Mais la dette italienne semble avoir sonné le glas de l’ère du Berlusconisme.

Après avoir perdu la majorité absolue à la Chambre des députés lors d'un vote crucial sur le bilan de 2010, le président du Conseil italien a annoncé, dès mardi, qu’il démissionnera après le débat sur la loi de Finance de 2012, qui doit avoir lieu en novembre.

L’homme, qui a construit sa carrière politique grâce à ses qualités d’homme d’affaires, a donc été rattrapé par les chiffres. Son quatrième passage à la tête du gouvernement italien sera marqué par le creusement de la dette italienne :  depuis son entrée en fonction en 2008, elle a bondi de 20 %, passant de 100 % à 120 % du PIB et s’élève aujourd’hui à 1 200 milliards d’euros. L’Italie est désormais le troisième pays le plus endetté au monde, après le Japon et les États-Unis.

Une situation qui - dans le contexte de la crise actuelle de la zone euro - a fini par pousser les marchés financiers à bout. Le taux d’intérêt auquel Rome peut emprunter sur 10 ans a dépassé, mercredi, le seuil symbolique des 7 %. “Si l’Italie reste au-dessus de ce taux, un scénario à la grecque devient probable”, expliquait Céline Antonin, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), à FRANCE 24.

Ignorer l’économie

Silvio Berlusconi serait celui par qui la tragédie grecque s’est transformée en drame à l’italienne. Dans un portrait au vitriol publié en septembre et baptisé “l’homme qui a baisé l’Italie”, le très sérieux magazine britannique The Economist juge que le président du Conseil s’est surtout attelé durant tout son mandat “à ignorer l’économie”. “La seule décision que le quatrième gouvernement de Silvio Berlusconi se soit donné la peine de prendre fut la décision de ne pas décider”, confirmait fin décembre Tito Boeri, professeur en économie à l’Université de Milan, sur le site spécialisé en économie internationale Project Syndicate

Cette inaction a pu faire illusion un temps. La péninsule a en effet traversé la crise économique de 2008 sans trop de heurts. “Il n’y a pas eu de bulle immobilière, les banques ont résisté et le taux de chômage d’un peu plus de 8 % est loin de celui de l’Espagne [20 %, NDLR]”, écrit ainsi The Economist.

En revanche, lorsque l'économie mondiale a commencé, en 2010, à refaire surface, l’Italie est restée sur la touche. “L’importance de la dette italienne interdisait à l’Italie de mettre en œuvre un plan de relance coûteux”, explique à FRANCE 24 Luigi Guiso, professeur d’écnonomie à l’Institut universitaire européen. Conséquence : le pays a eu le taux de croissance le plus bas de la zone euro l’année dernière (0,1 %)

Retarder les décisions

Mais surtout, le gouvernement de Silvio Berlusconi n’avait “aucune vision à moyen terme pour l’économie”, regrette Tito Boeri. Un avis que partage Luigi Guiso. "Le gouvernement a passé son temps à remettre à demain des réformes structurelles qu’il aurait pu prendre en 2008 grâce à la majorité politique dont bénéficiait alors Silvio Berlusconi”, déplore-t-il .

Cet été, le chef du gouvernement a finalement dû concocter un plan d’austérité. Trop tard. “Il avait promis qu’il réduirait le déficit et n’a pas réussi, faute de soutien, à faire passer son texte comme il l’entendait et les marchés ont alors compris que ce gouvernement ne réussirait jamais à prendre les mesures qu’il faut”, juge Luigi Guiso. Cet échec estival a enclenché, selon lui, le mécanisme qui a abouti à la chute politique du Cavaliere.

Silvio Berlusconi laisse donc à son successeur le soin de s’attaquer à toutes les réformes structurelles concernant des problèmes récurrents : le chômage des jeunes qui avoisine les 30 % selon l’OCDE et l’évasion fiscale qui prive l’État de 400 milliards d’euros par an d'après le livre “L’argent volé” de la journaliste économique italienne Nunzia Penelope. Il faudra également  convaincre “des grands corps professionnels comme les avocats et les médecins qui refusent toute réforme”, souligne Luigi Guiso. Pas sûr que dans le climat politique et le contexte économique actuels, un responsable politique puisse s’y atteler sans une violente opposition.