L'altercation entre Nicolas Sarkozy et David Cameron, lors du sommet européen sur la dette dimanche, illustre bien le différend qui oppose les pays de la zone euro aux pays de l'UE n'ayant pas adopté la monnaie unique.
Le fossé se creuse entre les dix-sept pays de la zone euro et les dix autres États de l'Union européenne, Grande-Bretagne en tête. Pour preuve, les joutes verbales échangées ce dimanche lors du sommet européen sur la dette.
Mécontent d’apprendre qu’une réunion des pays de la zone euro se tiendrait mercredi à Bruxelles pour entériner le plan d'aide aux banques européennes, le Premier ministre britannique David Cameron s'est indigné : "La crise de la zone euro affecte toutes nos économies, y compris celle de la Grande-Bretagne". Il a donc exigé et obtenu qu'un sommet des Vingt-Sept soit aussi convoqué, en amont. Pour l'occasion, Il a dû reporter les visites officielles qu'il devait effectuer en Nouvelle-Zélande et au Japon ce mercredi.
"Il est dans l'intérêt de la Grande-Bretagne que les pays de la zone euro règlent leurs problèmes. Mais cela devient dangereux -et j'en ai parlé franchement avec eux-, s'ils prennent des décisions vitales pour les autres pays du marché unique, comme des décisions sur les services financiers qui concernent tout le marché unique", a-t-il insisté.
"On en a marre de vous entendre nous critiquer"
Ce à quoi Nicolas Sarkozy lui aurait répondu, en aparté : "Vous avez perdu une bonne occasion de vous taire. On en a marre de vous entendre nous critiquer et nous dire ce que nous avons à faire". Ces propos font la Une du Daily Telegraph et de The Guardian, qui citent des sources diplomatiques. "Vous dîtes détester l'euro, vous n'avez pas voulu le rejoindre et maintenant vous voulez vous ingérer dans nos réunions", aurait ajouté le président français.
Les critiques de Nicolas Sarkozy à l'encontre de David Cameron ne semblent pas choquer l'opinion publique : 77,7 % des internautes ont indiqué que le président français avait marqué un point contre le Premier ministre britannique, selon un sondage réalisé par The Guardian. "Des critiques totalement justifiées", affirme de son côté Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, qui travaille sur les questions européennes. "Les Britanniques jouent sur tous les tableaux : ils veulent être associés aux discussions sur l’euro et de l’autre côté, ils veulent sortir de l’Union européenne. "
Le Premier ministre britannique doit justement faire face, ce lundi, à une vaste fronde au sein des rangs conservateurs -eurosceptiques- sur l’organisation d’un référendum quant à l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Hautement symbolique, le vote est purement consultatif et la motion n'a aucune chance de l'emporter. Il s'agit néanmoins de la rébellion la plus sérieuse depuis l'accession de Cameron au pouvoir.
Les dix-sept pays de la zone euro :
Créée en 1999, elle se compose d'abord de onze membres : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal. Puis la Grèce en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009 et l’Estonie en 2011.
Les dix pays de l'UE hors zone euro : Le Royaume Uni, la Suède, la Pologne, la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie et la Roumanie.
Pour Caroline de Camaret, spécialiste des questions européennes pour FRANCE 24, cette altercation illustre surtout le problème d'une Europe à deux vitesses. "Les dix pays qui n'ont pas adopté la monnaie unique reprochent aux membres de la zone euro de s’organiser comme un gouvernement à 17 sous la houlette de Herman Van Rompuy". Ce dernier, déjà président du conseil européen a été élu, dimanche, président des sommets de la zone euro.
En effet, la crise de la dette contraint les Dix-Sept à se réunir régulièrement pour s’efforcer de rapprocher leurs politiques économiques nationales et durcir leur discipline budgétaire commune. "Le problème, c’est que toute concertation visant à modifier les traités concerne les Vingt-Sept contrairement à la crise de la dette qui touche plus spécifiquement les Dix-Sept", souligne Caroline de Camaret.
Participer à son avenir politique
Les non-membres ont tous des intérêts à ce que la zone euro se stabilise. "Il faut distinguer les pays comme la Grande-Bretagne et la Suède qui ont fait le choix de ne pas adopter la monnaie unique mais qui veulent quand même participer aux débats pour des raisons économiques, de ceux qui sont en train de s’efforcer d'intégrer la zone euro et qui veulent participer à leur avenir politique."
La Grande-Bretagne n'est pas le seul État à critiquer cette mise à l'écart. Le Premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, est monté au créneau dimanche pour critiquer ces sommets ouverts aux seuls membres de la zone euro. Les Pays-Bas et la Finlande ont de leur côté lancé une mise en garde en estimant que "tous les États membres doivent être impliqués dans les décisions" pour préserver la prospérité économique du continent, dans une lettre cosignée par la Suède.
Les dix États ont reçu le soutien du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. "Il ne devrait pas y avoir de séparation entre la zone euro et le reste de l'Union européenne", a-t-il fait savoir.