logo

Mobilisés en masse dimanche, les Tunisiens attendent les résultats

Plus de 90 % des électeurs tunisiens se sont rendus aux urnes dimanche pour désigner l'Assemblée constituante. Le dépouillement est encore en cours, les autorités doivent annoncer les premiers résultats mardi.

Neuf mois après la révolution qui a chassé l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali du pouvoir, la Tunisie attend des résultats de l’élection de l’Assemblée chargée de rédiger la nouvelle Constitution. "La commission électorale a voulu jouer la prudence : elle a répété hier soir qu’aucun résultat officiel ne serait communiqué avant mardi", analyse David Thomson, correspondant de FRANCE 24 à Tunis.

Les Tunisiens se sont rendus nombreux aux urnes dimanche 23 octobre pour élire les 217 membres de l’Assemblée constituante. Le taux de participation, avoisinant les 90% selon la commission électorale, témoigne de la forte mobilisation.

"Les larmes aux yeux"

Selon nombre d’observateurs, les premières élections libres de l’histoire du pays se sont par ailleurs déroulées dans le calme. Une certaine émotion était palpable dans les bureaux de vote. "Certains avaient même les larmes aux yeux", rapporte David Thomson.

Pour l’heure, la commission électorale n’a pas fait état d’éventuelles irrégularités et ce malgré la multiplicité des candidats. Les électeurs devaient départager pas moins de 11 686 candidats de 80 partis. Pour Gauthier Rybinski, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24, "on a assisté avec ce scrutin à la maturation de ce qu’a voulu être la révolution tunisienne, voyant le droit de vote comme expression de la liberté".

Cruciale pour les Tunisiens, la réussite de ces élections l'est aussi pour les autres pays qui ont connu ou connaissent un soulèvement pro-démocratie.

Les islamistes d’Ennahda donnés en tête

Visiblement, le scrutin de dimanche devrait profiter au mouvement islamiste Ennahda, durement réprimé sous Ben Ali. "Une estimation sur 25% des bulletins dépouillés circulait dès ce lundi matin et confirmerait l’avance sans surprise du parti islamiste", rapporte David Thomson, qui souligne toutefois qu’il ne s’agit que de "rumeurs".

Selon Riadh Sidaoui, directeur du Centre de recherches et d’analyses politiques et sociales, "le succès d’Ennahda réside dans le fait qu’ils sont présents là où le pouvoir de Ben Ali était absent, notamment auprès des défavorisés et des jeunes en difficulté". Le parti bénéficie, en outre, de solides financements venant de ses membres, "qui cotisent à hauteur de 5% de leurs revenus", mais aussi des pays du Golfe. "Les membres d’Ennahda ont les capacités financières de jouer l’État-providence, de soutenir la population en résolvant de petits problèmes du quotidien, explique Riadh Sidaoui. C’est l’islamisation par le bas."

Son chef, Rached Ghannouchi, se réclame d'un islam modéré proche du parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie, l’AKP, et promet de ne pas toucher au statut de la femme, le plus avancé du monde arabe, tout en prônant un gouvernement de large union. Commentant l’affluence des Tunisiens vers les urnes, Ghannouchi a évoqué "la soif du peuple pour la démocratie".

Mais les candidats d’Ennahda, s’ils l’emportent, devront "nécessairement s’allier à d’autres", selon Gauthier Rybinski. S’ouvre alors une période de tractations et de négociations pour former des coalitions.

Incapables de former un front anti-islamiste, les grands partis de la gauche progressiste ont cependant promis une vigilance de tous les instants pour contrer les initiatives d’Ennahda.