
Le stade de Fès, au centre-nord du Maroc, le 16 juin 2025, après sa rénovation en vue de la CAN 2025. © Abdel Majid Bziouat, AFP archives
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Le Maroc, "terre d’accueil" du football africain et mondial
Avec la CAN 2025, le Maroc n’en est pas à son premier coup d’essai en matière d’organisation de compétitions sportives internationales à domicile. Ces dernières années, le royaume a accueilli le Championnat d'Afrique des nations en 2018, la CAN féminine de futsal et la CAN féminine - où les Marocaines sont allées jusqu’en finale - cette année. Il s’apprête aussi à organiser la Coupe du monde U17 féminine (17 octobre - 8 novembre) et serait même intéressé pour être pays hôte du Mondial des clubs 2029, un an avant d’accueillir le mondial, le point culminant de cette série d'évènements sportifs.
Avec la CAN de cet hiver, le Maroc va vouloir prouver - cette fois à un autre niveau - sa capacité à accueillir des événements d’envergure continentale et mondiale. "C’est un premier test, une répétition en vue du Mondial 2030", explique Jean-Baptiste Guégan, géopolitologue du sport et co-auteur de "La France n'est pas un pays de sport ?" (Éd. De Boeck). "La CAN est un premier galop d'essai pour le Maroc pour tester la totalité des rouages événementiels, logistiques, l’hébergement, les transports, la sécurité, mais aussi la coordination sportive ou encore la qualité de ses infrastructures".
Les autorités marocaines assument d’ailleurs que la Coupe d’Afrique des nations est une répétition générale en vue du Mondial 2030. Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), a fait plusieurs déclarations en ce sens ces derniers mois, assurant même fin juillet que "le royaume est désormais une terre d’accueil de grandes compétitions. Ce n’est pas un slogan, c’est une réalité qui se construit sur le terrain."
Celui qui est également vice-président de la Confédération africaine de football a aussi expliqué au journal L’Équipe que "le standard international de cette édition n'aura rien à envier à la Coupe d'Europe ou à la Coupe du monde", ajoutant : "Les conditions de préparation et d'entraînement pour les 24 équipes seront optimales. Les neuf stades sont prêts, répondent aux normes internationales, deux accueilleront la Coupe du monde 2030."
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"Montrer l’excellence de l’accueil à la marocaine"
Pendant près d’un mois, le royaume va devoir relever plusieurs défis organisationnels de taille pour que cette CAN 2025 soit un succès. À commencer par celui de l'accueil des supporters de football. Plus de 500 000 visiteurs sont attendus durant la compétition continentale. "Des supporters vont venir des quatre coins de l'Afrique (...). La question de la gestion des flux de populations va donc se poser pour le Maroc", explique Jean-Baptiste Guégan.
Un autre enjeu va être d'ordre diplomatique, notamment avec l’Algérie, les deux pays voisins entretenant des relations tendues en la matière. "La question de l'accueil de l'équipe des Fennecs va se poser", affirme le géopolitologue du sport. "Est-ce que la frontière va être ouverte ? Comment l'équipe d'Algérie va-t-ell venir au Maroc ?" Interrogé à ce sujet, le président de la FRMF, Fouzi Lekjaa, a assuré au journal L’Équipe que "la sélection algérienne, les supporters venus de l'Algérie ou de tous les coins du monde, seront accueillis dans un pays qui leur a toujours consacré un accueil chaleureux."
Les autorités marocaines pourraient aussi devoir gérer des revendications en provenance des tribunes, selon Jean-Baptiste Guégan : "On verra comment, sur le terrain, les officiels vont gérer les revendications diverses et variées qui traversent le continent africain, notamment la réactivation du conflit israélo-palestinien. Est-ce qu'on va avoir une mobilisation ou est-ce qu'on va avoir des manifestations ?", s’interroge l’enseignant à Sciences-Po Paris chargé du cours Histoire et géopolitique du sport africain.
Les manifestations ont finalement précédé le début de la compétition. Organisées à l'initiative du collectif Gen Z 212, elle ont eu lieu dans plusieurs villes du Maroc pendant deux semaines durant la première quinzaine du mois d'octobre. Les jeunes Marocains dans la rue ont notamment revendiqué de meilleurs services publics d'éducation et de santé, ainsi que la lutte contre la corruption.
Plusieurs Lions de l'Atlas ont apporté leur soutien à cette mobilisation, qui a vu plus de 2 400 personnes être poursuivies par la justice marocaine. Les manifestations se sont finalement raréfiées, notamment après un discours du roi Mohammed VI, le 10 octobre, qui a exigé une accélération des réformes sociales et l'annonce par le gouvernement d'un "effort budgétaire" pour 2026 de 13 milliards d'euros pour la santé et de l'éducation.
D’autres défis seront plus d’ordre logistique, notamment pour les stades qui ont été construits et rénovés selon les standards Fifa - les plus élevés en termes d’exigences. "Il sera intéressant de voir si le Maroc et la CAF sont capables de répondre, dans le cadre de cette CAN, à ce défi", explique le géopolitologue du sport. Selon lui, "la qualité des transports" sera un autre sujet, avant de préciser : "On sait les énormes efforts et investissements qui ont été consentis par le Maroc pour livrer les infrastructures de transport de qualité, les renouveler et les étendre".
Si tous les feux sont au vert pendant et à l’issue de la compétition, cette CAN devrait permettre de "montrer l’excellence de l’accueil à la marocaine", estime Jean-Baptiste Guégan.
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Remporter une deuxième CAN et rester ambitieux au mondial
Sur le terrain, le Maroc se sait attendu. Après avoir pris une dimension internationale au Mondial 2022 en se hissant jusqu’en demi-finale, les Lions de l’Atlas vont jouer devant leur public près de 50 ans après avoir remporté la seule et unique CAN de leur histoire. L’objectif est on ne peut plus clair : "Remporter enfin un titre continental qui échappe au Maroc depuis 1976", comme l’a déclaré Fouzi Lekjaa.
Le président de la FRMF s’est montré plus précis auprès de L’Équipe sur les ambitions marocaines durant cette CAN à venir : "Nous sommes la première nation africaine depuis plus de deux ans, 12e au niveau mondial, nous avons un groupe composé de talents de haut niveau (...). Nous avons le potentiel pour aller chercher cette CAN (...). On n'est pas dans le rêve, on est dans l'ambition légitime."

Lors des précédentes éditions, le Maroc a été éliminé en huitièmes de finale en 2019 et en 2024 et en quarts de finale en 2021. L’un des enjeux pour cette édition sera notamment l’état de fraîcheur physique d’une partie de ses cadres - très sollicités en club, comme son capitaine Achraf Hakimi. Le défenseur du PSG va arriver à la CAN avec une demi-saison dans les jambes après avoir déjà disputé 69 matches entre les JO Paris 2024 et la finale du Mondial des clubs.
Être performant sur la scène continentale sera en tout cas une condition nécessaire pour le Maroc s'il veut continuer de progresser au niveau mondial. Avant d'envisager le Mondial 2030, les Lions de l'Atlas devront d'abord s'illustrer lors de la Coupe du monde 2026 – pour laquelle ils ont été la première nation africaine à décrocher un ticket, début septembre. "Faire mieux que le Qatar sera déjà notre objectif en 2026 ! On ne va pas attendre 2030 pour essayer de le faire", a déclaré Fouzi Lekjaa.

Pour cela, il espère que "la qualité des joueurs, leur expérience en clubs, le vécu et la gestion du stress dans les grands événements" entreront en ligne de compte au moment de disputer des matches à enjeu. Entre autres joueurs, Achraf Hakimi (PSG) a disputé et remporté la dernière finale de Ligue des champions, Nousssair Mazraoui (Manchester United) est allé en finale de Ligue Europa et Abde Ezzalzouli (Betis Séville) en finale de Ligue Europa Conférence.
"Si le Maroc s’impose lors de cette CAN, il aura clairement une position assise sur le football africain", conclut Jean-Baptiste Guégan. "S'asseoir sur le toit de l’Afrique et sur les premiers rangs du football mondial, c'est une chose. Après, il faut y rester. Le plus dur n’est pas d'arriver au sommet mais d’y demeurer."
