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Déclaration d'amour artistique, enquête sous haute tension ou réquisitoire contre la peine de mort, les films documentaires essaient de se faire une place au milieu du flot de fictions. FRANCE 24 vous propose sa sélection d'automne.

Parmi la vague de films qui déferle chaque semaine sur les écrans, les documentaires peinent le plus souvent à se faire une place aux côtés des fictions. Considéré comme le parent pauvre du septième art, ce genre réussit néanmoins à se hisser quelques fois sur le devant de la scène, trouvant alors un plus large écho médiatique et public. Ce fut le cas de l'Américain Michael Moore qui remporta en 2004 la Palme d'or du Festival de Cannes avec "Fahrenheit 9/11" et parvint à piquer la curiosité d'un grand nombre d'aficionados de cinéma.

Enquête journalistique soignée, portrait à charge ou hagiographique, pamphlet coup de griffe ou œuvre expérimentale, le documentaire revêt de multiples facettes que nombre de réalisateurs aiment à explorer pourvu qu’elles puissent les aider à atteindre leur but : raconter l'histoire de notre temps.

FRANCE 24 vous propose une sélection de quatre œuvres documentaires qui, après avoir été présentées au Festival 2 Cinéma de Valenciennes (10-16 octobre), sortiront cet automne dans les salles françaises.
 

"The Ballad of Genesis and Lady Jaye", de Marie Losier (France)
Sortie ce mercredi 26 octobre

Auteure d’une demi-douzaine de courts documentaires sur des grandes figures de l’art contemporain, la cinéaste française, et résidente new-yorkaise, Marie Losier a décidé de consacrer son premier long-métrage au projet fou - mais néanmoins sérieux - du couple emblématique de l’underground américain que formaient dans les années 2000 Genesis P-Orridge et Lady Jaye Breyer.

Leur champ d’expérimentation ? La pandrogynie, concept artistico-corporel qui va pousser les deux amant(e)s à enchaîner les opérations chirurgicales afin de devenir physiquement identiques. Une aventure inédite qui prendra brutalement fin avec la mort inattendue en 2007 de Lady Jaye, énigmatique fantôme à la tignasse blonde platine que la caméra de Marie Losier ne parvient jamais à saisir véritablement. Les commentaires en voix-off de Genesis, les scènes tournées dans le quotidien du couple ou les images tirées de ses archives personnelles n’y feront rien : pour le spectateur, l’évanescente Lady Jaye demeurera un mystère jusqu’au générique de fin.

Malgré la grande empathie dont elle fait preuve envers son sujet, la réalisatrice tire de cette relation littéralement fusionnelle un film délicat et pudique, un poignant testament amoureux d’un être amputé de sa moitié.

"Honk!", d’Arnaud Gaillard et Florent Vassault (France)
Sortie le 9 novembre

Plaidoyer en faveur de la cause abolitionniste, le documentaire français "Honk!" ("Klaxonnez !", en français) se distingue des nombreux reportages hexagonaux dénonçant avec force caricature les ardents défenseurs de la peine de mort aux États-Unis. Fuyant les clichés d’une Amérique conservatrice, arriérée et vengeresse, le duo que composent le sociologue Arnaud Gaillard et le réalisateur Florent Vassault préfère pointer l’absurdité de la loi du talion plutôt que moquer l’idiotie de ses partisans.

Aussi le film débute-t-il sur les atermoiements d’une mère et ses filles venues assister à l’exécution de celui qui, 25 ans plus tôt, blessa par balles leur époux et père. "J’ai toujours cru que nous serions joyeuses lorsque viendrait ce moment, mais en fait je ressens une profonde tristesse", semble regretter l’une des membres du clan.

Enrichi d’autres émouvants témoignages, comme ceux d’un ancien condamné à mort finalement innocenté et d’une mère d’un futur exécuté, le film démontre qu’aux États-Unis rares sont ceux qui défendent les thèses abolitionnistes sans avoir été un jour confrontés aux couloirs de la mort. Au moins "Honk!" a-t-il le mérite de relayer une parole qui peine à s'imposer dans la débat national et de prouver une nouvelle fois que l’indifférence est l'ennemi le plus redoutable du combat contre la peine de mort.

"Khodorkovski", de Cyril Tuschi (Allemagne)
Sortie le 9 novembre

Membre zélé des jeunesses communistes devenu homme d’affaires prospère, Mikhaïl Khodorkovski continue, huit ans après son impressionnante arrestation pour évasion fiscale, de déchaîner les passions. Voleur à grande échelle pour les uns, prisonnier politique pour les autres, le plus célèbre des oligarques russes demeure un mystère que le cinéaste allemand Cyril Tuschi a souhaité percer à jour. Non sans difficulté. Car dans la Russie de Vladimir Poutine, la simple évocation de son nom peut attirer bien des ennuis.

De Moscou à Londres en passant par les plaines sibériennes, où l’ex-businessman purge sa peine, le documentariste s’attache à rassembler les éléments susceptibles d’expliquer ce qui a bien pu entraîner la chute de l’homme le plus riche de la Russie post-soviétique. Sa gestion opaque de la compagnie pétrolière Ioukos dont il fut le charismatique dirigeant ? Ses ambitions présidentielles ? Les nombreux témoignages recueillis auprès de ses anciens compagnons de route, pour la plupart en exil, ne parviennent cependant pas à lever le voile sur toute l’affaire. Khodorkovski lui-même, avec qui le réalisateur entretient une correspondance, ne se risque pas à interpréter clairement sa déchéance.

Guidé par la volonté d’être exhaustif, Cyril Tuschi se perd parfois devant l’ampleur de sa tâche. "Khodorkovski" n'en reste pas moins une enquête haletante sur un homme dont le seul tort fut, peut-être, de manquer de prudence.

Le documentaire a remporté le prix de la critique au Festival 2 Cinéma de Valenciennes.


"À la une du New York Times", d’Andrew Rossi (États-Unis)
Sortie le 23 novembre

Une année durant, Andrew Rossi a promené sa caméra dans la rédaction du "New York Times", temple de la presse écrite anglophone en butte, lui aussi, à la pandémie qui affecte les journaux du monde entier. Désaffection du jeune lectorat, désertion des annonceurs, concurrence accrue d’Internet et de ses sites stars comme Twitter et WikiLeaks… les virus-souches ont été identifiés mais les moyens de les éradiquer demeurent inconnus.

De cette lutte quasi désespérée des patrons, journalistes et reporters pour sauver le soldat "Times", le réalisateur américain tire un passionnant documentaire construit comme un thriller hollywoodien avec ses rebondissements, ses héros charismatiques (comment résister à la voix de fumeur repenti du truculent David Carr, ancien toxicomane devenu chroniqueur vedette du quotidien new-yorkais ?) et sa propension à l’exaltation.

À force de vanter les mérites de ces pompiers de la presse écrite, "A la une du New York Times" en oublierait presque en effet d’évoquer les pyromanes de la caserne. En survolant les plus célèbres cas de bidonnage qui ont sérieusement terni l’image du quotidien (Judith Miller et son traitement des armes de destruction massive en Irak), Andrew Rossi exonère la direction du journal de tout reproche.

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