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Valerio Bispuri : Le tour des prisons d’Amérique du Sud en dix ans

, envoyée spéciale à Perpignan – Le festival Visa pour l’Image, à Perpignan, expose une œuvre colossale, de longue haleine : une décennie de travail effectué par Valerio Bispuri qui a sillonné le continent sud-américain et visité... 74 prisons. Rencontre.

Le photographe italien Valerio Bispuri a visité 74 prisons en Amérique latine. Un travail titanesque et inédit, dans des lieux qu’il n’aimerait pas habiter, prend-il la peine de préciser. Un travail qui aura duré 10 ans.

"J’ai commencé par Buenos Aires, que je connais bien, puisque j’y ai longtemps vécu. Puis, à chaque fois que je trouvais l’occasion de me rendre dans une ville d’Amérique du Sud pour couvrir l’actualité ou pour rendre visite à un ami, je prenais contact avec la direction de la prison la plus proche et fixais rendez-vous." Depuis le début des années 2000, Valerio Bispuri voyage ainsi au Venezuela, en Équateur, en Colombie, en Uruguay, au Chili, au Brésil, au Pérou et en Bolivie.

"Il était difficile d’obtenir les autorisations nécessaires. Alors j’ai utilisé plusieurs méthodes de chantage en prétextant par exemple : ‘ah, mais si vous ne me laissez voir que les prisons belles et neuves, comment je vais savoir qu’elles sont belles et neuves puisque je ne pourrai pas comparer avec les vieilles et les surpeuplées ?’. Ou encore : ‘si vous ne me laissez pas voir votre prison, je vais l’inscrire en énorme sur le mur de ma prochaine exposition de photo et dans mon prochain article’… Et c’est ainsi que j’ai réussi à entrer dans toutes les prisons que je voulais visiter."

En revanche, Valerio Bispuri n’a pas l’autorisation de rester plus d’une demi-journée dans un centre pénitentiaire. Il arrive en général tôt le matin, avant que la lumière extérieure soit trop aveuglante et que l’obscurité des cachots rende indéchiffrable les scènes à l’intérieur des murs. Puis il repart en tout début d’après-midi.

Valerio Bispuri a ses images fétiches. Notamment celle où il capte un gardien, le bras levé et le gourdin à la main, en train de frapper un prisonnier fraîchement arrivé à la prison de Santiago du Chili. "Je sais que ce passage à tabac se pratique souvent. C’est une façon d’intimider, de mater les nouveaux venus. Et je suis tombé pile au moment où cela se déroulait. J’ai eu le droit à mon tour d’être un peu violenté par les gardes qui m’accompagnaient, parce qu’ils ne voulaient pas que je photographie cette scène. Mais ce n’était pas grave, j’avais ma photo."

Le journaliste italien capte également les moments de détente, autour d’un match de football ou d’une partie d’échecs. Ou encore des enfants, restés vivre auprès de leur mère emprisonnées, jouant dans les couloirs. Et d'autres qui rêvassent, se maquillent, ou vont simplement aux toilettes.

Valerio Bispuri a éprouvé des difficultés à faire reconnaître son travail dans le milieu du photojournalisme. Lors du festival de l'année dernière à Perpignan, alors qu’il n’était qu’un inconnu, aucun média n'avait souhaité lui acheter ses photographies. Il parvient finalement à glisser un CD à Jean-François Leroy, le fondateur et responsable du festival Visa pour l’Image. Trois mois plus tard, il reçoit un coup de fil : ses photos allaient être exposées à Perpignan l’année suivante.

Fort de cette reconnaissance dans le milieu du photojournalisme, Valerio Bispuri, 40 ans, est maintenant en position avantageuse pour séduire une presse frileuse qui rechigne à payer un projet aussi vaste et pourtant essentiel.