
Les Bourses n'en finissent plus de dégringoler. Résultat : les médias n'arrêtent pas de parler de panique sur les marchés. Que recouvre ce terme dans le jargon clinique ? Explication et critique des usages par le psychiatre Roland Coutanceau.
Panique : à lire la presse ces derniers jours, tel semble être le sentiment qui ronge les traders européens. "Nouvelle journée de panique pour les Bourses", titrait récemment le site de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur en renvoyant sur une dépêche AFP tandis que, de son côté, le quotidien du Sud-Ouest La Dépêche du Midi évoquait "la panique boursière".
Les faits sont là : les marchés financiers européens ont encore connu, ce vendredi, une journée de forte dégringolade. A la mi-journée, les principaux indices ont reculé de plus de 3%. De Paris à Londres, les Bourses avaient déjà dévissé de plus de 4% la veille, gagnées par l’inquiétude d’un retour de la récession au niveau mondial.
Devant ces mouvements en dents de scie sur les marché, est-il légitime de parler de panique ? Le psychiatre Roland Coutanceau explique à France 24 que ce terme recouvre un sens clinique très précis et qu'il faut faire attention au contexte dans lequel on l'utilise. Entretien.
FRANCE 24 : Sur le plan clinique, peut-on dire que les traders et les actionnaires sont pris de panique ?
Roland Coutanceau : La panique au sens clinique n’intervient chez une personne qu’après des phases d’inquiétude et d’angoisse. Pour évaluer si les actionnaires ont effectivement cédé à la panique, il faudrait donc pouvoir se référer à cette gradation.
Prenons un exemple à l'échelle individuelle. En ce qui concerne les petits porteurs, je dirais de leur comportement qu'il ressort en effet plutôt du champ symbolique de la panique. Devant la diminution de valeur de leur portefeuille, il y a une angoisse psychique qui peut devenir une crainte irrationnelle - que la chute boursière soit vertigineuse. Ce sont autant d’éléments qui se retrouvent dans la définition psychologique de la panique, mais sans être pour autant suffisant pour établir un diagnostic clinique positif.
FRANCE 24 : Parler de panique est-il donc exagéré ?
R.C. : En effet, au niveau individuel, l’analogie est tirée par les cheveux. En revanche, elle fonctionne beaucoup mieux sur le plan collectif. L’un des éléments constitutifs de la panique sociale d’un groupe est la contagion qui renforce le comportement irrationnel.
Elle se nourrit d’un discours systématiquement ou très majoritairement pessimiste. C’est l’exemple de la personne qui crie au feu, et dont l’alerte est répercutée par d’autres jusqu’au déclenchement du mouvement de panique. Un mécanisme similaire est actuellement à l’œuvre sur les marchés financiers.
FRANCE 24 : Comment traite-t-on cliniquement la panique ?
R.C. : Les patients qui sont atteints de crises de panique sont traités soit avec des anxiolytiques pour calmer leur angoisse, soit par des méthodes d’hyperventilation. Pour venir à bout de la panique sociale, il faut mettre en place un discours simple, puis le répéter.
C’est le sens de l’action politique en temps de crise. Tous les responsables doivent adopter un même discours qui permettra d’endiguer la panique. Il est nécessaire de donner aux gens des repères auxquels ils peuvent se raccrocher, comme l’utilisation répétée de mots qui symbolisent la relance. A condition qu'ils reposent sur des éléments concrets. Lors d’un accès de panique, on a en effet l’impression d’être sur une pente savonneuse sans pouvoir arrêter la chute.