, à Madrid – À la veille de l’arrivée du souverain pontife à Madrid, quelque 4 000 personnes hostiles à la tenue des JMJ ont manifesté dans la capitale espagnole. Un rassemblement qui, pour certains, n'est pas sans rappeler le mouvement du 15-Mai.
Quelques heurts ont éclaté à la fin de parcours, sur la Puerta del Sol, entre la police madrilène et des manifestants, dont certains ont été blessés. Les marcheurs “anti-pape” ont aussi échangé des insultes avec les pèlerins des JMJ, nombreux sur la place de la Puerta del Sol où est passé le cortège.
Il s'agit sans doute du seul endroit du centre de Madrid où l’on ne trouve pas les hordes de jeunes pèlerins, chapeau jaune sur la tête et drapeaux à la main, qui ont envahi la ville où est attendu le pape Benoît XVI, ce jeudi, dans le cadre des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Sur la place Tirso de Molina, mercredi soir, les jeunes catholiques rassemblés depuis le 16 août dans la capitale espagnole n’étaient effectivement pas les bienvenus : militants associatifs, jeunes “indignés” évacués de la Puerta del Sol le 2 août dernier et contribuables madrilènes en colère s'y étaient retrouvés pour une “marche anti-papale” dans la bonne humeur.
Au centre de toutes les critiques : le coût des JMJ, dénoncé sur toutes les banderoles (“De mis impuestos, a papa cero”, soit "De mes impôts, au pape zéro") et par toutes les bouches alors qu’une cure d’austérité radicale est imposée par le gouvernement Zapatero à sa population depuis le mois de mai 2010. La ristourne accordée aux pèlerins dans les transports publics passe particulièrement mal : “Le tarif de leurs billets a été réduit de 80 % alors qu'il vient de passer de 1 euro a 1,50 euro pour les Madrilènes !”, s’offusque ainsi Juliette, une étudiante franco-espagnole. Carmen, elle, pointe plutôt du doigt le coût des forces de police et des ambulances mobilisées pour l'occasion. Si le comité d’organisation des JMJ s’est fendu d’une mise au point dans laquelle il répond à toutes ces attaques, il semble avoir toutefois bien du mal à convaincre qu'aucun fond public n'a servi à financer l'évènement. “Mensonges !, croient savoir par exemple Xavier et Miguel. Les mécènes privés bénéficient d’un abattement fiscal de 15 % et ça, c’est autant d'argent en moins qui rentre dans les caisses de l'État”.
"Attention, le pape arrive !”
“Jésus et moi, on est gay”, peut-on lire sur la banderole qu'ils portent à bout de bras. Car si ce couple homosexuel est descendu dans la rue, c'est aussi et surtout pour dénoncer la position de l’Église sur les questions familiales et sexuelles : célibat des prêtres, refus de la contraception, rigorisme moral dans un pays soumis a une forte influence de l’Opus Dei, une organisation ultraconservatrice, etc. “Pourtant, je suis catholique, reprend Xavier. Mais écoutez ça : dans les écoles publiques réquisitionnées à Madrid pour les pèlerins, filles et garçons doivent dormir dans des dortoirs séparés et sont contraints de prendre leurs douches en maillot de bain ! C’est d’un autre âge...”, s’amuse t-il.
Comme eux, une partie des manifestants de la place Tirso de Molina sont hostiles à la venue de Benoît XVI à Madrid pour des raisons éthiques. À grand renfort de slogans et de chants caustiques (”Zone interdite aux chrétiens crétins" ; "Attention, le pape arrive !"), une galaxie hétéroclite de militants anticléricaux, d'anarchistes, d'athées, de féministes et de militants de la cause gay s’en donne à cœur joie.
Le choc des titans
itAlors qu'aux alentours de 20 heures, le cortège s’ébranle dans une ambiance festive, une odeur de 15-Mai - comme le 15 mai 2011, date à laquelle les "indignés" espagnols ont commencé à camper sur la Puerta del Sol, la principale place de Madrid, pour dénoncer la gestion de la crise par les autorités et réclamer une profonde réforme du système politique - flotte sur la manifestation.
Dans le cortège, on croise ainsi les militants de 15-M TV, la chaîne des "indignés", qui filment et retransmettent en direct la manifestation, ainsi qu'une immense banderole annonçant le “choc des titans” entre Benoît XVI et Stéphane Hessel, l’ancien résistant français dont l’ouvrage “Indignez-vous” a inspiré le mouvement. “Le 15 mai et aujourd’hui, c’est à la fois lié et différent, conclut Juliette, l’étudiante, qui est aussi militante de la coalition de gauche Izquierda Unida. J’ai campé à la Puerta del Sol, par mécontentement envers la molesse et l’injustice du gouvernement. Ici c’est un autre mécontentement, mais c’est toujours la même eau qui bout.” La police a autorisé le cortège à passer par la Puerta del Sol mais pas a s’y disperser, sans doute par peur d’y voir revenir les tentes du 15-Mai.