Au Caire, Abdallah el-Daour et Mohamed Mohsen, étudiants à l'Université américaine de la ville, ont décidé de servir "l'iftar" - repas pris chaque soir lors de la rupture du jeûne - aux enfants des rues ainsi qu'aux travailleurs démunis. Reportage.
C'est aux enfants des rues et aux travailleurs déshérités qu'ils ont décidé de servir l'iftar, le repas du soir consécutif à la rupture du jeûne. Abdallah el-Daour et Mohamed Mohsen sont étudiants à l'Université américaine du Caire, dont les bâtiments, anciens, sont situés près de la place Tahrir. Ils font partie d'une association d'étudiants qui organise des iftars depuis une dizaine d'années - à l'attention des plus démunis.
Le projet est appelé "'Ma'eda" (grande tablée en arabe). Abdallah, 20 ans, étudiant en ingénierie mécanique, est cette année responsable de l'organisation. "Dans notre religion, c'est une très bonne chose de servir l'iftar à ceux qui jeûnent, surtout lorsqu'ils n'ont pas les moyens suffisants." Mohamed, étudiant en économie, ajoute : "Nous servons de la nourriture à ceux qui ont le moins de chances d'avoir du travail : les personnes les plus âgées, ceux qui ont des problèmes de santé."
Des journées passées sous un soleil de plomb
Devant l'un des bâtiments de l'université, des dizaines d'hommes sont regroupés et attendent impatiemment les sacs de repas, après avoir passé de longues heures sans boire ni manger, sous le soleil de plomb du Caire. Certains passent leurs journées à vendre des paquets de mouchoirs, souvent à la fenêtre des automobilistes, d'autres nettoient les rues.
Selon Mohamed, les gens du quartier connaissent cette pratique mise en oeuvre pendant le mois de ramadan depuis des années. Certains viennent même d'autres quartiers pour en bénéficier.
Le jour de notre présence, quelques enfants des rues se mêlent à ces dizaines d'hommes et de vieillards. Mohamed, sourd et muet, se régale aux côtés de ses amis avec, en guise de table, le capot d'une voiture. Un peu plus tard, il distribue gaiement des chaises à ceux qui sont encore debout avant de se joindre aux plus anciens, installés sur la rangée de tables.
Un restaurant sélectionné pour la qualité de sa nourriture
Les étudiants de l'Université américaine ont démarché auprès de plusieurs restaurants, quelques jours avant le début du mois du Ramadan, pour choisir un établissement partenaire. Les jeunes hommes, consciencieux, ont comparé la qualité de la nourriture, sa cuisson et le prix des aliments avant de choisir le restaurant qui leur fournirait les repas. Ils se sont mis d'accord sur un petit établissement du centre-ville, à l'allure modeste mais servant de la nourriture de bonne qualité. Les menus sont toujours équilibrés : ni "fast food' ni "kochari" (plat traditionnel local à base de féculents).
Au menu ce samedi soir : salade, poulet, riz et légumes. Les portions sont accompagnées des traditionnelles boissons du ramadan : "Amar el-Din" , du jus d'abricot, ou encore le "Tamr Hindi", une boisson à base de pâte de tamarin. Le groupe d'étudiant sert 85 repas les soirs du ramadan. Chacun coûte 15 livres (2 euros), ce qui inclut la location des tables et des chaises.
Le système D pour palier au manque de financement
Cette année, le financement a été difficile. En effet, la situation économique est critique depuis la révolution du 25 janvier. Les donations se font donc beaucoup plus rares. Par conséquent, et ce pour la première fois depuis des années, les étudiants manquent de fonds pour la dernière semaine du ramadan. Ils font donc de la publicité sur leur page Facebook et n'hésitent pas à solliciter leurs amis et leurs familles.
Il y a quelques jours, Abdallah a profité d'un iftar chez sa grand-mère pour solliciter les 45 personnes invitées. L'étudiant a récolté suffisamment d'argent pour financer deux jours de repas. Toujours ça de pris...