Près de 100 personnes ont été tuées lors d'une offensive de l'armée à Hama, à la veille du ramadan. Ce coup de force du régime a provoqué une vague de réactions internationales. Le président Bachar al-Assad est de plus en plus isolé.
L’Union européenne en appelle au Conseil de sécurité
La violence de l’assaut contre Hama a été unanimement condamnée par les États-Unis, le Canada et la Turquie, ainsi que par plusieurs pays de l’Union européenne qui, de son côté, a indiqué ce lundi que de nouvelles sanctions contre le régime syrien étaient "imminentes". Une indignation qui contraste avec le mutisme du monde arabe, qui fait preuve de la plus grande discrétion depuis le début du soulèvement en Syrie. Un silence assourdissant qui s'est répété ce lundi à l'occasion des félicitations adressées par
le président syrien Bachar al-Assad à l'armée "patriotique" syrienne, à l'occasion du 66e anniversaire de sa création.
Par ailleurs, le président américain Barack Obama a affirmé ce lundi vouloir accentuer la pression sur le pouvoir syrien et coopérer "avec d'autres [partenaires] à travers le monde pour isoler le gouvernement d'Assad et soutenir le peuple syrien". Par la voix de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, la France a quant à elle appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre ses responsabilités, "plus que jamais, dans ce contexte effroyable". L'Allemagne, à l’instar de l’Italie, a réclamé la tenue ce lundi d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation en Syrie et "d'une réunion des ambassadeurs de l'Union européenne à Damas".
Vers un revirement russe ?
"Il ne faut pas attendre grand-chose de cette réunion si elle a lieu, vu la paralysie de l’ONU. Cependant, elle aurait le mérite d’exister car elle prouve que la communauté internationale n’est pas totalement insensible à ce qui se passe en Syrie", commente Bourhane Ghalioune, directeur du Centre des études arabes et de l'Orient contemporain à la Sorbonne, interrogé par FRANCE 24. Depuis début juin, la France et le Royaume-Uni, appuyés par plusieurs pays européens dont l’Allemagne et le Portugal,
tentent de faire adopter un projet de résolution qui condamne la répression menée par Damas sans pour autant envisager l’option d’une intervention militaire pour mettre fin aux exactions commises par les forces de sécurité syriennes.
Cette initiative s’est heurtée jusqu’à présent à de fortes réticences au sein du Conseil de sécurité de la part de deux de ses membres permanents, qui disposent, à ce titre, d'un droit de veto : la Russie, alliée traditionnelle de la Syrie, et la Chine. Moscou et Pékin sont restés jusqu’ici fermement opposés à toute mesure qui aille à l’encontre du président syrien Bachar al-Assad.
Mais ce lundi, Moscou a emboîté le pas aux capitales occidentales en appelant pour la première fois à la fin de la "répression" en Syrie. "Nous appelons le gouvernement syrien et l'opposition à faire preuve d'un maximum de retenue et à renoncer aux provocations et à la répression", a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
"La Russie, plus que la Chine, risque de ne plus pouvoir tenir sa position face à l’ampleur de la répression du régime syrien - un peu à l’image de la Turquie qui a choisi de durcir le ton à l’égard de Damas", explique Ziad Majed, politologue et professeur à l'Université américaine de Paris, à FRANCE 24.
Une impunité prolongée
L’hypothèse d’un revirement russe pourrait se concrétiser si le régime persistait à réprimer dans le sang les manifestations au cours du mois de ramadan qui vient de commencer. Jusqu’ici, le régime syrien a exploité les divisions de la communauté internationale pour appliquer une telle politique.
"Les condamnations en série et les sanctions votées par les Occidentaux ne feront pas plier Bachar al-Assad. Il sait qu’il ne risque aucune intervention militaire et compte sur le blocage de l’ONU tout autant que sur le silence complice des Arabes pour poursuivre sa répression en toute impunité", indique un ancien diplomate français basé dans la région, ayant requis l’anonymat auprès de FRANCE 24.
Ce lundi, le chef de la diplomatie britannique William Hague a en effet rejeté une nouvelle fois la possibilité d'une action militaire sous l'égide des Nations unies.
"L’embarras des Occidentaux, qui n’envisagent absolument pas de se lancer dans une nouvelle intervention militaire, notamment parce que l’opposition syrienne ne le souhaite pas, est synonyme d’impuissance. Certains espèrent même que le président syrien finira par mettre en œuvre des réformes, c’est pour cela qu’aucun responsable américain ne l’a encore appelé à partir", confie Ziad Majed.
Le politologue estime d’ailleurs que la population syrienne ne compte plus que sur elle-même. A ses yeux, la solution se trouve "entre les mains du peuple qui est extrêmement mobilisé et dont la détermination est d'ailleurs le plus grand danger aux yeux du régime".