Fort de son bilan à la tête de la CIA, Leon Panetta a été confirmé dans ses nouvelles fonctions de secrétaire d’État à la Défense en remplacement de Robert Gates par un vote unanime au Sénat - un fait rarissime.
Leon Panetta secrétaire d’État à la Défense ? “Un choix de première classe”, a commenté un responsable républicain interrogé sur la décision du président démocrate Barack Obama de nommer le directeur de la CIA en remplacement de Robert Gates à partir du 1er juillet.
Le consensus entre démocrates et républicains autour de cette nomination est tel que, la semaine dernière, les 100 sénateurs américains l’ont approuvé à l’unanimité, fait rarissime à Washington.
Cependant, "la prise de fonction de Panetta ne signifie pas forcément un grand changement dans la ligne politique de la Défense américaine", souligne John Fortier, chercheur à l’institut américain Bipartisan Policy Center (BPC).
À son arrivée au Pentagone, Leon Panetta, 73 ans, va en effet devoir gérer un certain nombre de dossiers sensibles dans lesquels il devra se montrer plus pragmatique que créatif. Il va notamment devoir superviser le retrait progressif des troupes américaines d’Irak et d’Afghanistan.
L’ex-numéro un du renseignement américain hérite également du dossier libyen, alors que Washington est engagé sous la bannière de l’Otan dans l’opération "Aube de l’Odyssée" contre le colonel Kadhafi. Enfin, il sera en charge de faire tomber le tabou de l’homosexualité au sein de l’armée maintenant que les gays déclarés sont officiellement autorisés à s’engager.
Autant de taches auxquelles Leon Panetta devra s'atteler en tenant compte du calendrier politique américain, à un an et demi de la prochaine élection présidentielle, et surtout de la contrainte budgétaire, puisque Barack Obama veut réduire de 400 milliards de dollars les dépenses militaires. Malgré cet objectif, Leon Panetta a promis, ce vendredi, de "faire en sorte que l'armée américaine tienne son rang d'armée la plus forte du monde" dans un message adressé aux troupes, juste après avoir prêté serment comme nouveau secrétaire à la Défense.
Vieux routier de la politique
Pour relever les défis qui l’attendent, Panetta dispose d’un premier atout : il connaît parfaitement tous les rouages de la politique américaine. Ce fils d’immigrés italiens, qui a vu le jour en 1938 en Californie, travaille en effet depuis près de 40 ans à Washington.
Républicain modéré au début de sa carrière, il a servi en tant que juriste au sein de l’administration du président Richard Nixon. En 1971, il est passé dans le camp démocrate avant de se faire élire, six ans plus tard, à la chambre des Représentants, qu’il ne quittera qu’en 1993 pour rejoindre le cabinet du président Bill Clinton.
Durant sa carrière à Washington, il a acquis une "connaissance considérable du milieu politique américain qui lui sera très utile dans ses nouvelles fonctions", relève Darrell West, un expert du think tank Brookings Institution. Cette expérience lui sera notamment précieuse face au Congrès, à l’heure où démocrates et républicains sont d’accord pour réduire de manière drastique les dépenses militaires. Il devra également user de tout son sens politique pour "naviguer entre les généraux qui veulent un retrait des troupes le plus lent possible et un président qui veut un calendrier rapide", relève Darrell West.
D’un point de vue militaire, ce vieux routier de la politique n’a pas le profil de va-t-en guerre. Au Congrès, il a voté contre la décision de George Bush père de lancer la première Guerre du Golfe en 1991. En 2006, il a intégré l'Iraq Study Group, une commission bipartite qui a publié un rapport recommandant une rapide fin de la guerre en Irak alors que le président George W. Bush voulait l'intensifier.
Renforcer les liens américano-pakistanais
Mais plus que son expérience politique, ce sont ses deux ans à la tête de la CIA qui pourraient lui être les plus utiles. Son bilan de directeur du renseignement américain a été largement salué et n’est sans doute pas étranger à sa nomination au poste de secrétaire d’État à la Défense. À son actif figure notamment la traque des responsables d'Al-Qaïda au Pakistan dont l’apothéose fut l’opération ayant conduit à la mort d'Oussama Ben Laden, le 1er mai dernier. Il avait auparavant soutenu l’utilisation de drones afin de cibler les responsables du réseau terroriste réfugiés au Pakistan
Lors de ses dernières semaines passées à la tête de à la CIA, Panetta s’est notamment battu pour faire des relations avec le Pakistan le dossier prioritaire de la politique étrangère américaine. Auditionné par le comité du Sénat aux services armés le 10 juin, il avait insisté sur le fait que les relations entretenues entre Américains et Pakistanais avaient beau être des plus complexes et des plus frustrantes, elles étaient aussi des plus importantes.
Depuis le Pentagone, celui-ci devrait chercher à renforcer les liens entre l’armée américaine et les services de renseignements pakistanais que Washington accuse de complaisance - voire de complicité - avec les Taliban. Il devrait pour cela mettre à profit les rapports qu'il a tissés avec Ahmed Shuja Pasha, le directeur général de l'Inter-Services Intelligence (ISI), la principale branche des services secrets du Pakistan.
Reste à voir si ces contacts aboutiront aux résultats que le prédécesseur de Panetta, Robert Gates, n’a pas réussi à obtenir. "Si quelqu'un peut réussir à ce poste, c'est bien lui", assure toutefois Darrell West, interrogé par FRANCE 24.