L'enfant terrible de la haute-couture est convoqué ce mercredi par la justice française pour insultes à caractère raciste. Lâché par la maison Dior, le styliste britannique plaide l’addiction à l’alcool et aux médicaments.
Une centaine de journalistes de la presse française et étrangère, ainsi qu’un public composé de mordus de luxe, de mode et de faits divers, sont attendus, ce mercredi, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris où John Galliano doit comparaître pour injures à caractère raciste. La foule massée aux portes du palais de justice tentera sans nul doute de détecter sur le visage de l’ancien couturier de la maison Dior les effets de trois mois de cure de désintoxication, de déceler le remords ou d'entendre d’éventuelles excuses.
Selon ses proches, le styliste britannique, connu pour sa timidité, est très angoissé à l’idée de se retrouver sur le banc des accusés. "Il ne se rend pas trop compte de la gravité des choses, il est un peu dans sa bulle", croit en revanche savoir Jessica Michault, chroniqueuse mode à FRANCE 24.
Une vidéo compromettante
Rappel des faits. Le 24 février, Géraldine Bloch et son compagnon Philippe Virgiti sont attablés à la terrasse du café-brasserie La Perle, dans le quartier du Marais à Paris, situé à quelques pas du domicile du couturier britannique. Selon les conclusions rédigées par Me Yves Beddouk, l’avocat de la plaignante, John Galliano lui aurait ordonné : "Ferme ta gueule sale pute, je ne supporte pas ta voix !" Puis, après des propos dégradants sur sa tenue et ses vêtements, le styliste aurait prononcé ces paroles : "Sale juive, tu devrais être morte". Puis, s’adressant à son compagnon : "Je vais te tuer sale Asiatique de merde" (lire ci-dessus les conclusions de Me Beddouk). Le personnel de la brasserie aurait refusé d’intervenir, "en raison de la notoriété de Monsieur Galliano et des liens amicaux" avec le patron de l’établissement, rapporte toujours l’accusation.
itAprès avoir lu dans la presse les détails de cette altercation, une femme affirme avoir été l’objet d'insultes de la part de John Galliano dans ce même café, le 8 octobre 2010, et dépose plainte à son tour. L'enfant terrible de la haute-couture se serait moqué du physique de cette femme de 48 ans, avant de proférer en anglais des insultes à caractère raciste. Quatre jours après, le 28 février, le site internet du tabloïd britannique The Sun publie une vidéo montrant un John Galliano, visiblement ivre, qui insulte des personnes assises à une table à côté de lui et qui profère son amour pour Hitler.
Fin février, la réputation de John Galliano est gravement mise à mal, et la maison de luxe Dior suspend dans la foulée ses activités de directeur artistique et éradique son nom de son site internet (lire l’article de L’Express).
Pour l'avocat de John Galliano, Me Aurélien Hamelle, il subsiste cependant "des doutes sur ce qui a été prononcé [lors des altercations du 8 octobre 2010 et du 24 février 2011]". Son client "ne s'en souvient pas, car il était dans un état second". John Galliano persiste à croire que les propos qu'on lui reproche "ne reflètent en rien sa pensée". "Il n'est ni antisémite, ni raciste", insiste Me Hamelle. Quant aux images publiées par The Sun : "cette vidéo, où il se voit un peu étrange à lui-même, ça lui a fait un choc", soutient son avocat, interrogé par l’AFP.
Vidéo publiée sur le site du tabloïd britannique The Sun.
Une lettre de recommandation signée Anna Wintour
En vue de l’audience, ce mercredi, les avocats ont chacun fourbi leurs armes. Me Hamelle a dégainé trois témoignages à décharge pour John Galliano : deux voisines de table du couple ainsi que le serveur du bar qui n’ont pas entendu les "injures" du 24 février. Dans le dossier figureraient également des lettres de recommandation. Il y aurait notamment "une attestation d’Anna Wintour", papesse de la mode et rédactrice en chef de l’édition américaine du magazine Vogue, croit savoir Me Beddouk, joint au téléphone par France24.com. "Ils ont demandé à des personnalités de la mode de se porter garante de la moralité de John Galliano, et ce procédé a gêné plusieurs personnes", confie Jessica Michault.
Du côte de l’accusation, deux témoins vont se présenter à la barre : deux amis italiens de la femme quadragénaire qui a porté plainte sur les faits remontant au 8 octobre 2010, et qui devraient confirmer ses dires.
"John Galliano plaidera qu’il ne s’agissait pas d’injures publiques. Or une terrasse de café est une place publique !, s’insurge Me Beddouk. Et ce n’est pas parce qu’on insulte en anglais qu’on n’a pas injurié !" Et d'ajouter à propos des lettres de recommandation : "Qu’il ait ses bons juifs et ses bons Asiatiques ne veut pas dire qu’il n’est pas antisémite et pas raciste. C’est un génie de la haute-couture et un pauvre type dans sa vie privée."
"Mi chèvre mi-chou"
La défense de John Galliano reposera essentiellement sur sa dépendance à l’alcool et aux médicaments. D'après son avocat, cité par l’AFP, "il se soigne de son addiction à l'alcool et aux médicaments" et "envisagera son avenir professionnel" après son procès.
"Il a été trois mois en cure de désintoxication, selon l’expertise communiquée par mon confrère Me Hamelle, précise Me Yves Beddouk. Il a été expertisé le 16 juin à l’hôpital Beaujon [établissement public situé à Clichy, dans les Hauts-de-Seine, ndlr]. Le document conclut à une addiction à l’alcool et aux médicaments, le Valium et le Noctamide, et ajoute que John Galliano a effectué un sevrage résidentiel à l’étranger."
"Une défense mi-chèvre mi-chou", estime Me Beddouk, qui réclame "un euro de dommages et intérêts" pour sa cliente Géraldine Bloch. "Autant dire que ma cliente n’a pas porté plainte pour l’argent, mais pour une réparation symbolique."
John Galliano encourt six mois de prison et 22 500 euros d'amende. Mais la jurisprudence, plutôt clémente, a plutôt prévu des amendes simples sans peine de prison pour des cas similaires.